BEAST (2022)

Pour protéger sa famille, Idris Elba affronte un monstrueux lion revanchard au beau milieu de la savane africaine…

BEAST

 

2022 – USA

 

Réalisé par Baltasar Kormakur

 

Avec Idris Elba, Sharlto Copley, Iyana Halley, Leah Jeffries, Martin Munro, Thalepo Sebogodi, Chris Langa, Tafara Nyatsanza, Ronald Mkwanazi

 

THEMA MAMMIFÈRES

Baltasar Kormarkur est un réalisateur d’origine islandaise, signataire de plusieurs longs-métrages d’abord sur sa terre natale puis à Hollywood, parmi lesquels on se souvient notamment de 1010 Reykjavik, Contrebande, Everest ou A la dérive. Un point commun relie plusieurs de ces films : le thème de l’individu contraint de revenir à ses instincts les plus primitifs pour survivre dans un environnement naturel hostile. Rarement ce motif fut traité de manière aussi frontale que dans Beast, dont le concept se résume finalement à peu de choses : pour sauver sa famille, un homme doit se débarrasser de son costume de citoyen civilisé pour retrouver son animalité la plus élémentaire. D’emblée, nous sommes saisis par la magnifique photographie de Philippe Rousselot, sublimant les extérieurs naturels africains où fut tourné le film, et par la bande originale mi-tribale mi-lyrique de Steven Price (Gravity, Suicide Squad). C’est dans ce cadre qu’entrent en scène nos trois personnages principaux, le docteur Nate Samuels (Idris Elba) et ses deux filles adolescentes Meredith (Iyana Halley) et Norah (Leah Jeffries). L’équilibre de cette famille est instable, les tensions sont palpables. La mère tant aimée, originaire d’Afrique du Sud, est morte depuis peu, et c’est un regard accusateur que les filles portent sur leur père. Pourquoi l’a-t-il quittée avant son décès ? Pourquoi n’a-t-il pas compris qu’elle était malade ? Pourquoi n’a-t-il pas pris ses responsabilités ? Ce trio dysfonctionnel s’installe dans une réserve naturelle gérée par « l’oncle Martin » (Sharlto Copley) dont la bonhomie et la bienveillance apaisent un peu les douleurs encore à vif.

Le décor étant planté et les protagonistes bien définis, le drame peut survenir. Il prend la forme d’un lion qui, ayant échappé de peu au massacre perpétré par des braconniers, s’enfuit dans la nature et décide dès lors de massacrer tous les humains qui croisent son chemin. À ceux qui pourraient reprocher au film de dresser un portrait peu flatteur du sympathique félidé à crinière, le scénario oppose d’emblée un argument irréfutable : le prédateur de Beast n’est plus un lion mais un monstre vengeur quasi-invincible, un terminator quadrupède que plus rien ne semble pouvoir arrêter. Il dépasse donc allègrement sa nature première de mammifère pour se muer en symbole d’une nature en furie prête à rendre aux humains la monnaie de leur pièce. Œil pour œil, croc pour croc. La réalisation virtuose de Baltasar Kormakur se met au service de cette intrigue ramenée volontairement à sa plus simple expression. Les nombreux longs plans-séquence qui saisissent en temps réel la grande majorité des actions du film ont un remarquable pouvoir immersif, sans pour autant que ces effets de style répétés ne soient ostentatoires. Kormarkur n’essaie pas d’en mettre plein la vue à ses spectateurs mais à les plonger au cœur de cet impitoyable conflit.

La loi de la jungle

Pour que Beast fonctionne à plein régime, il fallait bien sûr que sa créature soit crédible. De ce point de vue, la réussite est totale. Les équipes de la société d’effets visuels Framestore, supervisées par le vétéran Enrik Pavdeja (Inception, Doctor Strange, Jurassic World : Fallen Kingdom), ont conçu un « uber-lion » incroyablement réaliste. Les ébouriffantes séquences d’attaque dans les véhicules évoquent tour à tour Cujo et Jurassic Park (cette dernière référence étant assumée par le T-shirt que porte Meredith en début de métrage). Quant au duel au corps à corps entre l’homme et l’animal, il n’est pas sans rappeler l’un des plus célèbres morceaux d’anthologie de The Revenant. Ce n’est pas un hasard : en amont du tournage, Baltasar Kormakur s’est entretenu avec son collègue mexicain Alejandro González Iñárritu pour savoir quelles techniques avaient été utilisées dans la scène de combat entre Leonardo DiCaprio et un ours. Couplé à la prestation toute en retenue d’Idris Elba, des jeunes comédiennes incarnant ses filles et d’un Sharlto Copley beaucoup plus sobre que d’habitude (nous sommes loin de ses prestations chez Neil Blomkamp ou dans Hardcore Henry), ce gigantesque tour de force technique et artistique hisse Beast au niveau des meilleurs survivals de sa génération.

 

© Gilles Penso


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