Tournée en format Cinérama, cette somptueuse adaptation de trois contes des frères Grimm est gorgée de féerie et de créatures magiques…
L’idée d’un film conçu autour de l’œuvre des frères Grimm trottait dans la tête du cinéaste George Pal depuis le milieu des années 40. Mais ce n’est qu’en 1962 que le créateur des Puppetoons concrétisa ce projet en adaptant trois contes du fameux duo allemand : « Le Bûcheron et la princesse », « Le Savetier et les enfants » et « L’Os qui chantait ». Dans le premier, un jeune coupeur de bois (Russ Tamblyn) utilise une cape d’invisibilité pour espionner une princesse (Yvette Mimieux) dont il est tombé amoureux. Dans le second, un vieux fabricant de souliers qui croule sous le travail (Laurence Harvey) est aidé dans sa tâche par cinq lutins facétieux. Et dans le troisième, le couard chevalier Sir Edward (Terry-Thomas) et son écuyer Hans (Buddy Hackett) doivent affronter un redoutable dragon dans une caverne. La première chose qui frappe, dans Les Amours enchantées (connu aussi sous le titre Les Merveilleux contes de Grimm), c’est son système de projection. Tourné en Cinérama, le film s’étale sur un triple écran, et la composition de chaque plan est conçue en fonction de cette immense latitude. Évidemment, le procédé perd beaucoup de sa superbe lors d’un visionnage du film sur un écran de télévision. Il faut imaginer le spectacle que représentait un tel film sur écran géant à l’époque.
Certaines scènes des Amours enchantées vont jusqu’à annoncer les « rides » des parcs d’attractions, immergeant le spectateur dans des plongeons vertigineux en caméra subjective. C’est le cas lorsque le palefrenier maladroit est suspendu dans la grotte du dragon et se balance interminablement, dans le segment « L’Os qui chante », et surtout lorsque Russ Tamblyn est accroché à une carriole qui file à vive allure sur un chemin rocailleux, dans « Le Bûcheron et la princesse ». Les trois contes qui ponctuent le récit baignent dans une naïveté pleine de charme, typique de l’univers de George Pal, riches en décors multicolores, en costumes bariolés et en jolis effets spéciaux. Dans ce dernier domaine, l’animation image par image demeure la technique la plus souvent mise à contribution. Ce fut d’ailleurs celle qui permit à George Pal de donner naissance aux personnages de sa série à succès Les Puppetoons.
Des contes très animés
Discrète dans le premier conte, l’animation permet à une fleur de bailler puis de s’endormir de manière très anthropomorphique après avoir absorbé un somnifère. Elle est largement mise à contribution dans le second, lorsque les cinq lutins entonnent un chant de travail digne de celui des nains de Blanche Neige tout en s’attelant à la tâche dans l’atelier du savetier. Dans le troisième conte, l’animation donne vie à un somptueux dragon au flanc incrusté de joyaux, conçu par Wah Chang et animé par Jim Danforth. Cet animal, qui ressemble à une version cartoon du dragon du Septième voyage de Sinbad et qui crache d’ailleurs des flammes en dessin animé, s’avère très expressif. Ses paupières clignent, ses pupilles sont très mobiles, ses lèvres se retroussent et sa langue frétille en permanence. Bref, c’est une belle réussite. Il est regrettable que George Pal ne s’en soit pas tenu à ces trois contes et qu’il ait confié à Henry Levin la réalisation d’une biographie romancée des frères Grimm qui, entre chaque segment, traîne en longueur et suscite plus d’ennui que d’intérêt. Carl Boehm, échappé du Voyeur, et Laurence Harvey (Romeo et Juliette) y incarnent les duettistes éponymes. Il faut noter tout de même un bel épilogue, dans lequel Wilhelm Grimm, mourant, voit apparaître dans sa chambre tous ses futurs héros qui le supplient de vivre pour qu’ils puissent exister.
© Gilles Penso
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