Alain Chabat et Léa Drucker s’installent dans une maison dont le sous-sol renferme quelque chose d’incroyable… mais vrai !
INCROYABLE MAIS VRAI
2022 – FRANCE
Réalisé par Quentin Dupieux
Avec Alain Chabat, Léa Drucker, Benoît Magimel, Anaïs Demoustier, Roxane Arnal, Stéphane Pezerat, Grégoire Bonnet, Marie-Christine Orry, Michel Hazanavicius
Quentin Dupieux enchaîne les films aux concepts absurdes avec une régularité qui force le respect. Après la veste psychopathe de Le Daim et la mouche géante de Mandibules, voici donc Incroyable mais vrai qui marque les retrouvailles du réalisateur avec Alain Chabat, huit ans après Réalité. Pour toute une génération de spectateurs, le titre du film évoque une émission télévisée culte animée par Jacques Martin entre 1981 et 1983 sur Antenne 2, ce qui ne nous rajeunit pas. On sait Dupieux partisan d’une certaine patine rétro, d’où ce titre aux joyeuses résonnances « old school ». Mais « Incroyable mais vrai », c’est aussi la mention qui apparaît sur de nombreuses annonces publicitaires vantant dans certains magazines les mérites de solutions miracles invraisemblables : contre le vieillissement, contre la chute de cheveux, contre la prise de poids, contre l’insomnie, contre la fatigue, contre les fuites urinaires, contre la perte d’énergie sexuelle… « Incroyable mais vrai ! » peut-on lire sur ces pages pleines de promesses qui proposent tout et n’importe quoi. Bien sûr, il y a un revers de la médaille. Et c’est dans cette voie que s’engouffre Quentin Dupieux, mettant pour une fois son goût de l’absurde au service d’un message sans équivoque et d’une réflexion limpide sur certains travers humains.
Alain et Marie (Alain Chabat et Léa Drucker) sont un couple tranquille et équilibré, lui la soixantaine cool, elle la cinquantaine fringante. Alors qu’ils décident d’acheter une maison ensemble, ils en visitent une qui semble correspondre à leurs critères. Ce n’est pas le coup de foudre, mais ça pourrait faire l’affaire. L’agent immobilier qui les fait visiter (Stéphane Pezerat) tient à leur montrer une dernière chose dans le sous-sol, qu’il qualifie de « clou de la visite ». En découvrant la cave de la maison, Alain et Marie ne sont pas particulièrement impressionnés. Mais l’agent insiste : l’important ce n’est pas la cave mais la trappe qui s’y trouve. S’ils acceptent de le suivre dans cette trappe et de découvrir où mène le conduit étroit qui la prolonge, leur vie va changer à tout jamais. Amusés et perplexes, ils hésitent puis se prêtent au jeu en descendant dans le fameux conduit. Effectivement, ce qu’ils y découvrent ne va pas les laisser indemnes…
Les dangers de la vanité
Baignée dans cette photographie laiteuse dont Dupieux a fait sa signature visuelle, la première partie d’Incroyable mais vrai ne dénote pas du tout dans sa filmographie. Le point de départ est ouvertement burlesque, la mise en scène minimaliste laisse les acteurs faire leur numéro et la bande son se laisse envahir par une musique électronique « vintage » obsédante. Une fois n’est pas coutume, le réalisateur ne compose pas la bande originale du film mais emprunte plusieurs morceaux à l’album « Jon Santo Plays Bach » (dont la reprise au synthétiseur de la célèbre « Badinerie » finit par ressembler au générique de La Soupe aux choux !). La grande force de ce premier acte repose sur le décalage entre le jeu des comédiens (sobres, crédibles, naturels) et la parfaite absurdie de la situation. À ce titre, la scène du dîner avec Benoît Magimel et Anaïs Demoustier est un petit régal. Mais petit à petit, le scénario s’achemine vers une certaine gravité inattendue, décrivant par le menu l’effet dévastateur et autodestructeur d’un trop-plein de vanité et de narcissisme. Dupieux ne nous a pas habitués à une telle grille de lecture, cédant même au symbolisme par l’entremise d’une pomme révélatrice de la tentation et de ses dangers. Incroyable mais vrai n’en perd pas son impact, bien au contraire, mais bifurque là où on ne l’attendait pas. Le rythme aurait certes mérité d’être resserré. On sent bien que le scénario finit par tirer à la ligne en assénant aux spectateurs une longue séquence elliptique entièrement musicale qu’il aurait fallu drastiquement racourcir. Mais à cette réserve près, le film fait mouche, prônant une approche philosophique de la vie et s’acheminant vers un épilogue étonnamment amer.
© Gilles Penso
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