DORIAN GRAY (1970)

Le célèbre roman d’Oscar Wilde se paie une version sulfureuse plongée dans les effets de style des années 70…

DORIAN GRAY / DAS BILDNIS DES DORIAN GRAY

 

1970 – ITALIE / ALLEMAGNE / LIECHTENSTEIN / USA

 

Réalisé par Massimo Dallamano

 

Avec Helmut Berger, Richard Todd, Herbert Lom, Marie Liljedahl, Margaret Lee, Maria Rohm, Beryl Cunningham, Isa Miranda, Eleonora Rossi Drago

 

THEMA DOUBLES DIABLE ET DEMONS 

En 1970, le roman « Le Portrait de Dorian Gray » a déjà été adapté une quinzaine de fois au cinéma et à la télévision, la plus marquante de ces relectures étant sans conteste celle réalisée par Albert Levin en 1945. Mais le producteur Harry Alan Towers (Le Masque de Fu Manchu, Le Cirque de la peur, Million Eyes of Sumuru, Les Nuits de Dracula) pense malgré tout pouvoir apporter quelque chose de neuf à ce mythe déjà mille fois exploité en s’appuyant sur la libération sexuelle du début des années 70. D’où ce Dorian Gray modernisé dont la mise en scène est confiée au cinéaste italien Massimo Dallamano (Le Tueur frappe trois fois, La Venus en fourrure). La grande trouvaille de cette version est d’avoir offert le rôle principal à Helmut Berger, alors tout juste sorti des Damnés de Luchino Visconti. L’acteur autrichien irradie l’écran de sa beauté languide, incarnant à merveille ce dandy oisif qui se soustrait progressivement à toute contrainte morale pour plonger dans la dépravation. Même s’il s’appuie majoritairement sur les péripéties écrites par Oscar Wilde quatre-vingts ans plus tôt, le scénario s’offre un certain nombre de libertés afin de mieux se conformer au contexte des seventies. D’où un texte annonçant au cours du générique de début que nous avons affaire à « une allégorie moderne inspirée par le travail d’Oscar Wilde » et non pas à une adaptation littérale.

Le prélude ne s’embarrasse pas d’exposition. En gros plan, Dorian Gray pousse un grand cri, puis la caméra adopte son point de vue subjectif. Ses mains ensanglantées se dirigent précipitamment vers une salle de bain où l’eau du robinet coule pour s’efforcer de les nettoyer avec frénésie. Son regard bleu est halluciné, son teint blafard, sa mine déconfite. Il jette des affaires dans le feu puis se laisse tomber sur un fauteuil… Que s’est-il passé ? Un flash-back nous permet de revoir les événements précédents et de comprendre ce qui a plongé cet homme dans un tel désarroi. Dans le Londres du début des années 1970, Dorian Gray est un jeune homme beau et riche qui s’éprend de Sybil Vane (Marie Liljedahl), une actrice en herbe. Cette idylle apaise un peu son égocentrisme. Mais un jour, alors que son ami l’artiste Basil Hallward (Richard Todd) peint un très beau portrait à son effigie, Dorian rencontre un homme snob et affecté, Henry Wotton (Herbert Lom), qui va jouer le rôle du diablotin tentateur. « Un jour, vous serez vieux, ridé et répugnant », lui dit-il. « Votre visage ne plaira plus. » Une fois le portrait terminé, Wotton en rajoute une couche. « Quand vous serez une poupée hideuse, ceci sera toujours magnifique » dit-il face à la peinture. Piqué dans son orgueil, Dorian affirme alors être prêt à donner son âme au diable pour ne pas vieillir et laisser la peinture s’enlaidir à sa place. Et c’est exactement ce qui va se passer…

Le dépravé

Plus encore que dans la majorité des adaptations précédentes, le narcissisme est ici mis en avant comme cause principale de la dépravation. Amoureux de lui-même, Dorian Gray est prêt à tout pour garder vivace l’image séduisante que lui renvoie son reflet peint. Au départ, il ne semble être qu’une victime passive du mal qui rôde autour de lui. Mais plus le temps passe, plus il agit lui-même comme un ange destructeur. Fidèle au concept établi par Oscar Wilde, le tableau témoigne peu à peu des méfaits de Dorian. Au début, il n’y a qu’une ombre dans le regard du portrait, une légère altération. Puis le visage vieillit et s’enlaidit. À la fin, ce n’est plus qu’une créature hideuse au teint livide, aux yeux blancs et aux mains crispées en forme de serres. Plongé dans l’exubérance des années 70, le film de Massimo Dallamano affuble Helmut Berger de tenues invraisemblables (du costume étoilé digne de Claude François au manteau de fourrure zébré) et le place dans des situations équivoques osées. Il faut le voir s’accoupler à une femme âgée dans le box d’une écurie, faire les yeux doux à un matelot dans les toilettes pour homme ou se préparer à passer à l’acte avec Herbert Lom qui vient de ramasser sa savonnette sous la douche ! Selon les territoires, le film est connu sous différents titres, du simple Dorian Gray à The Secret of Dorian Gray en passant par The Sins of Dorian Gray, Il Dio Chiamto Dorian ou encore Le Dépravé.

 

© Gilles Penso


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