Après avoir cessé ses activités dans les années 70, la tortue géante fait un retour fracassant dans cet excellent film aux proportions titanesques…
GAMERA DAIKAIJ$U KUCHU KESSEN
1995 – JAPON
Réalisé par Shunsuke Kaneko
Avec Tsuyoshi Ihara, Akira Onodera, Ayako Fujitsani, Shinobu Nakayama
THEMA REPTILES ET VOLATILES I SAGA GAMERA
Créée par le studio Daei pour concurrencer Godzilla, la tortue géante Gamera fut la vedette de huit films assez puérils au cours des années 60 et 70. Sa résurrection en 1995 n’avait rien de bien enthousiasmant. Pourtant, ce Gamera, gardien de l’univers est une excellente surprise. Le scénario oublie d’ailleurs les films précédents pour mieux réinventer la créature mythique et ses origines. Ainsi découvre-t-on qu’elle fut fabriquée de toutes pièces par le peuple des Atlantes afin de protéger la Terre contre les attaques des Gyaos, de redoutables monstres volants à mi-chemin entre le dragon, la chauve-souris et le ptérodactyle (déjà présents en 1967 dans Gamera contre Gyaos). Or ces hideuses créatures ailées font soudain leur apparition au Japon et se pourlèchent les babines à l’idée de transformer les humains en casse-croûte. Après avoir été confondu avec un atoll inconnu par une expédition marine, Gamera émerge des flots, bien décidée à en découdre avec les sinistres nués de Gyaos, mais se heurte à l’incompréhension de la population et à l’armée qui la considère comme une menace à éradiquer sur le champ.
Les fans de destructions de maquettes en ont ici pour leur argent. Certaines d’entre elles sont certes très identifiables, leur échelle réelle s’avérant immédiatement perceptible, mais d’autres étonnent par leur réalisme, au point qu’il faille attendre qu’un monstre ne les mette en pièces pour qu’elles révèlent leur nature de décors miniatures. Les créatures elles-mêmes ont singulièrement évolué depuis les années 60. Toujours incarnées par des acteurs costumés, elles bénéficient toutefois de l’adjonction d’effets numériques visualisant les redoutables charges d’énergie destructrice que vomissent leurs gueules reptiliennes. Si Gamera ressemble toujours à une tortue démesurée, son faciès jadis grotesque et enfantin prend ici des atours bestiaux du plus bel effet. Le regard s’est chargé de férocité, la gueule s’orne de dents acérées et le museau effilé n’a plus grand-chose à voir avec la gentille baudruche de 1965.
Chaos sur Tokyo
Les Gyaos, hélas, ne bénéficient pas d’un design aussi élaboré. Démarcation à peine voilée du Rodan d’Inoshiro Honda, ils trahissent immédiatement leur nature de marionnettes mécaniques (ou d’acteurs costumés selon les séquences). Pourtant, c’est à l’un d’entre eux – le plus grand de tous les Gyaos, adversaire ultime de Gamera – que nous devons la scène la plus graphique et la plus iconique du film tout entier. Comment oublier la splendide vision de ce volatile géant nichant en contre-jour sur la tour de Tokyo décapitée, tandis qu’un soleil couchant ensanglante les cieux de la cité dévastée ? Encombré de quelques maladresses et d’une poignée de dialogues frisant le comique au second degré (« un jour, je t’emmènerai dans un Tokyo sans monstres » clame ainsi un jeune homme énamouré à sa dulcinée émue), Gamera, gardien de l’univers n’en marque pas moins la renaissance flamboyante d’une franchise qu’on croyait morte et enterrée. Le talent du metteur en scène Shusuke Kaneko y est pour beaucoup, comme allaient le confirmer les excellents épisodes suivants.
© Gilles Penso
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