Le réalisateur du Dernier exorcisme revient visiter le thème de la possession diabolique sous un angle nouveau…
THE DEVIL’S LIGHT / PREY FOR THE DEVIL
2022 – USA
Réalisé par Daniel Stamm
Avec Jacqueline Byers, Colin Salmon, Virginia Madsen, Christian Navarro, Nicholas Ralph, Ben Cross, Posy Taylor, Lisa Palfrey, Tom Forbes
THEMA DIABLE ET DÉMONS
Quand un film aussi radical que L’Exorciste crée à lui seul un sous-genre du cinéma fantastique, tous les longs-métrages qui s’engouffrent ensuite dans la brèche lui sont inévitablement comparés. Depuis 1973, on ne compte plus en effet le nombre de longs-métrages consacrés aux possessions démoniaques, peu d’entre eux échappant à l’influence du classique de William Friedkin. Le réalisateur Daniel Stamm en était parfaitement conscient en 2010 lorsqu’il se lançait dans Le Dernier exorcisme, son second film après le faux documentaire A Necessary Death et sa première incursion dans le genre. Pour se démarquer, il adoptait le format alors très en vogue du found footage et désamorçait la situation par un recours intensif à l’humour noir et au second degré. S’il explore une nouvelle fois les mêmes thèmes plus de dix ans après, à l’occasion de La proie du diable, ce n’est pas lié à une fascination spécifique pour le diable (il s’affirme lui-même comme un non croyant) mais parce que les personnages décrits dans le scénario de Robert Zappia l’attirent tout particulièrement. Il se plonge donc dans ce récit tourmenté, après le désistement du réalisateur James Hawes, et réinvente habilement un motif qu’on imaginait pourtant usé jusqu’à la corde.
Entrée dans les ordres alors qu’elle était adolescente, sœur Ann (l’excellente Jacqueline Byers) intègre un prestigieux institut spécialisé dans les exorcismes. Avec l’appui de la technologie, de la science, de la médecine et de la psychiatrie, les prêtres catholiques y apprennent les méthodologies susceptibles de libérer les pauvres âmes possédées par le démon. Les cours magistraux sont prodigués par le père Quinn (le très charismatique Colin Salmon). Ces enseignements sont réservés aux hommes, les sœurs étant cantonnées à la prière et aux soins des malades. Mais Ann souhaite s’initier à l’art de l’exorcisme, moins pour bousculer les habitudes patriarcales d’une institution aux traditions séculaires que pour des raisons très personnelles. Elle est en effet persuadée que sa mère, qui la maltraitait dans son enfance au cours de sautes d’humeur terrifiantes, était contrôlée par une entité maléfique. Or Natalie (Posy Taylor), une fillette qui est hospitalisée dans les murs de l’austère bâtiment, présente des symptômes très similaires…
L’exorcisme au féminin
En s’appuyant sur des faits tangibles et sur une approche très documentée du sujet, La Proie du diable bâtit un climat d’épouvante d’autant plus efficace qu’il se développe au sein d’un cadre crédible. La possession y est abordée presque cliniquement, avec le recul nécessaire du professeur Peters qu’incarne Virginia Madsen. Combinées à cet angle narratif réaliste, les fêlures du personnage principal participent pleinement à l’implication du spectateur, qui entre naturellement en empathie avec cette jeune femme au passé compliqué dont la relation à la religion s’assortit d’un profond sentiment de culpabilité. Or c’est justement dans les interstices laissés béants des esprits fragilisés que les démons semblent aimer se lover. La dévotion inconditionnelle d’Ann, les visions surnaturelles dont elle est frappée et sa manière effrontée de se heurter aux immuables habitudes phallocentriques de l’Église catholique ne sont pas sans évoquer l’héroïne de Benedetta. Le personnage est d’ailleurs évoqué dans l’un des dialogues du film de Stamm, dont le long-métrage précédent, 13 Sins, fut justement écrit par David Birke, le scénariste du Verhoeven. Bien sûr, Stamm nous offre les séquences que nous attendons, à base de possessions démoniaques, de métamorphoses hideuses des corps, de monstruosités impies et de luttes acharnées contre le démon. L’efficacité de ces passages n’est pas à remettre en question et la frayeur est bien au rendez-vous, même si nous sommes ici en terrain connu, foulant inévitablement les sentiers inaugurés par Friedkin. Finalement, ces passages obligatoires valent moins pour leur impact immédiat que pour leur rôle de matérialisation physique des blessures des personnages. C’est là que La Proie du diable marque des points, déclinant presque ses éléments fantastiques comme autant de métaphores de tourments moraux universels.
© Gilles Penso
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