THE DEVIL’S REJECTS (2005)

Rob Zombie donne une suite à sa Maison des 1000 morts en adoptant un style beaucoup plus brut et réaliste…

THE DEVIL’S REJECTS

 

2005 – USA

 

Réalisé par Rob Zombie

 

Avec Sid Haig, Bill Moseley, Sheri Moon Zombie, William Forsythe, Ken Foree, Matthew McGrory, Leslie Easterbrook, Geoffrey Lewis

 

THEMA TUEURS I SAGA FIREFLY FAMILY

Après le tournage de La Maison des 1000 morts, Rob Zombie pose sur le papier quelques pistes scénaristiques pour une éventuelle suite. Sa démarche est alors moins artistique que préventive. Il veut en effet éviter que les producteurs n’aient la mauvaise idée de mettre un second opus en chantier sans le solliciter. Zombie se prête au jeu et rédige finalement un scénario complet qui est approuvé sans réserve par l’équipe de Lionsgate. La bride sur le cou, le réalisateur va donc pouvoir attaquer The Devil’s Rejects plus sereinement que le film précédent, pour lequel Universal ne lui facilita guère les choses. Pour éviter toute redite, Zombie décide d’adopter un changement de ton brutal. Les personnages n’ont pas changé, incarnés par les mêmes comédiens (à l’exception du rôle de la matriarche confié à Leslie Easterbrook après les prétentions salariales trop élevées de Karen Black) et les événements se déroulent peu de temps après ceux racontés dans La Maison des 1000 morts. Mais l’exubérance cède désormais le pas au réalisme. On efface les maquillages de clowns, on enlève les costumes, on cesse de ricaner. Tout se passe comme si la famille Firefly accusait le contrecoup des péripéties mouvementées racontées dans le film précédent. Portant les stigmates de leurs forfaits, presque en « gueule de bois », ils sont ramenés à leur forme la plus brute, celle de hors-la-loi hirsutes et névrotiques livrés à eux-mêmes. Le décor change lui aussi. Exit la maison des horreurs et le parc d’attraction macabre. Place aux routes incandescentes de la Californie. Versions trash de Bonnie and Clyde, les rescapés du clan Firefly arpentent le bitume dans une ambiance de Far West empruntée à Il était une fois dans l’Ouest et La Horde sauvage.

C’est d’ailleurs une mécanique de western qu’adopte le film, s’intéressant à un shérif prêt à tout pour prendre sa revanche sur les psychopathes qui ont assassiné son frère. Bien décidé à outrepasser la loi s’il le faut, ce cowboy à la gâchette facile est incarné par le vétéran William Forsythe (Il était une fois en Amérique, Arizona Junior, Dick Tracy). Une énorme fusillade éclate donc pour tenter de déloger les membres de la famille Firefly. Captain Spaulding (Sid Haig), Otis (Bill Moseley) et Baby (Sheri Moon Zombie) prennent la fuite et entament un parcours sanglant semé de victimes hurlantes. Le nombre de cadavres s’accumule donc de façon affolante, jusqu’à ce que le shérif vengeur ne parvienne à mettre la main sur eux pour les soumettre à son tour aux pires sévices. À ce stade, le spectateur se retrouve désarçonné, incapable de se positionner moralement face à des personnages plus détestables les uns que les autres. Pour qui prendre parti : les assassins sans foi ni loi ou le « gardien de la paix » mué en bourreau sadique ? De fait, si Massacre à la tronçonneuse reste l’influence majeure de Rob Zombie, d’autres sources d’inspiration affleurent, notamment Orange mécanique et Taxi Driver qui présentent la particularité de balayer d’un revers de main tout manichéisme trop radical.

Le Mal par le Mal

Volontairement déstabilisant, le film s’attarde sur la violence physique et psychologique sans se réfréner (le massacre des deux otages d’Otis, la torture interminable des Firefly par le shérif) tout en s’autorisant des écarts humoristiques référentiels (les employées de la maison close qui déclarent que les hommes fantasment désormais sur la princesse Leïa, le critique de cinéma spécialiste des Marx Brothers venu prêter main forte aux policiers). Évacuant l’approche kitsch et surréaliste de La Maison des 1000 morts, The Devil’s Rejects se prive donc de la grande majorité des facéties visuelles de son prédécesseur. Son image granuleuse signée par le talentueux directeur de la photographie Phil Parmet, ses plans cadrés à l’épaule, sa bande originale et la grande majorité de ses partis pris artistiques imitent avec une étonnante minutie les effets de style du cinéma d’exploitation de la fin des années 70 et du début des années 80. D’où quelques rôles en forme de clin d’œil offerts à Ken Foree (Zombie) et Michael Berryman (La Colline a des yeux) ou ce détournement d’une scène horrifique de Massacre à la tronçonneuse 2 (le visage découpé et transformé en masque, déjà décliné dans La Maison des 1000 morts). Le changement de look des tueurs, quant à lui, évoque beaucoup la bande de Charles Manson, comme en témoigne cette réplique d’Otis (« Je suis le diable et je suis ici pour faire son travail ») qui le positionne comme une sorte de hippie sataniste dégénéré. Implacable, féroce, inconfortable, The Devil’s Rejects est considéré par beaucoup d’amateurs du genre comme le meilleur film de son réalisateur, qui lui donnera une suite tardive en 2019.

 

© Gilles Penso


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