Le réalisateur de La Classe américaine, The Artist et OSS 117 se lance dans un remake « à la française » du film japonais culte Ne coupez pas !
COUPEZ !
2022 – FRANCE
Réalisé par Michel Hazanavicius
Avec Romain Duris, Marilda Lutz, Bérénice Bejo, Luana Bajrami, Finnegan Oldfield, Grégory Gadebois, Jean-Pascal Zadi, Sébastien Chassagne, Charlie Dupont
THEMA ZOMBIES I CINÉMA ET TÉLÉVISION
Pour ceux qui ne seraient pas familiers avec le désopilant Ne coupez pas ! de Shin’ichiro Ueda, le visionnage de Coupez ! offre un festival de retournements de situation au fil d’un récit à tiroir vertigineux et enthousiasmant explorant à sa manière le miracle fragile de la créativité. Les spectateurs qui connaissent l’œuvre originale ne bénéficient évidemment pas du même effet de surprise. L’enthousiasme, lui, ne s’érode pas pour autant. Coupez ! se montre pourtant étonnamment fidèle à son modèle. Ce sont justement les différences qui font le sel des connaisseurs, souvent inscrites discrètement, à la marge. Car Michel Hazanavicius ne pouvait se contenter d’un simple remake servile et répétitif. Tout est né de l’envie de tourner un « film dans le film », une comédie reprenant un peu à son compte la mécanique de La Nuit américaine. Lorsque le réalisateur fait part de son projet au producteur Vincent Maraval, ce dernier vient justement d’acheter les droits du remake de Ne coupez pas ! Les deux envies fusionnent et donnent donc naissance à un film d’abord titré Z (comme Z) (en référence à la fois au mot « zombie » et à l’expression « série Z »). Le nom change lorsque la Russie entre en guerre avec l’Ukraine en arborant sur ses chars d’assaut la lettre Z. Hazanavicius prend donc le contrepied du titre original et Ne coupez pas ! devient Coupez !
Nous sommes sur le tournage d’un petit film d’horreur fabriqué avec les moyens du bord par une équipe qui n’y croit qu’à moitié. À fleur de peau, le réalisateur (Romain Duris) prend les choses très à cœur, au grand dam de ses comédiens principaux (Marilda Lutz et Grégory Gadebois), lesquels s’efforcent de s’impliquer dans un scénario qu’ils savent parfaitement absurde. La maquilleuse (Bérénice Béjo) fait ce qu’elle peut pour calmer le jeu. Mais soudain, c’est la panique : de véritables zombies débarquent sur le plateau et sèment la terreur. Au lieu de prendre ses jambes à son cou, le réalisateur décide de profiter de la situation pour tout filmer. Face à ce déferlement de gags, de répliques improbables et d’effets spéciaux sanglants, le spectateur ne sait plus où donner de la tête. Les comédiens dirigés par Hazanavicius sont en effet aussi peu crédibles que ceux du film dans le film, tout le monde porte bizarrement un prénom japonais, et surtout l’intégralité des événements est filmée en plan-séquence par une caméra frénétique en mouvement perpétuel. Que se passe-t-il réellement sur ce tournage ?
La nuit américaine des morts-vivants
Michel Hazanavicius n’est pas un grand amateur de films d’horreur en général et de films de zombies en particulier. Certes, des œuvres comme Shaun of the Dead ou Dernier train pour Busan le ravissent, mais il n’est pas du genre à réciter par cœur les filmographies de George Romero ou Lucio Fulci. La figure du mort-vivant est donc un prétexte, d’abord pour s’amuser pendant le tournage (les têtes sont coupées, les bras tranchés, le sang et le vomi jaillissent par litres à l’écran) mais aussi et surtout pour s’attacher aux déboires d’une petite équipe de tournage qui ne pourra s’épanouir qu’en se serrant les coudes, fut-ce pour accoucher d’une série Z d’horreur à peu près aussi crédible que Le Lac des morts-vivants. Pour autant, il y a en filigrane une allusion à Romero qui était absente de Ne coupez pas !, à travers le choix du décor (une sorte de centre commercial désaffecté) et les répliques du comédien cérébral incarné par Grégory Gadebois, qui cite à tout bout de champ la société de consommation. Autre apport délectable logiquement inexistant chez Shin’ichiro Ueda : le film japonais original est évoqué à plusieurs reprises, ajoutant une couche supplémentaire de mise en abîme. Comme si ça ne suffisait pas, Michel Hazanavicius fait jouer sa compagne et sa fille dans ce film, qui parle justement d’un tournage dont l’aboutissement resserrera les liens d’une famille. En équilibre permanent, le cinéaste parvient ainsi à conserver jusqu’au bout une parfaite fidélité au matériau qui l’inspire tout en lui rendant des hommages additionnels étonnants et en développant sa propre sensibilité, exprimée à travers une petite troupe d’acteurs délectable, Romain Duris en tête.
© Gilles Penso
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