Vincente Minelli réunit le couple star de Chantons sous la pluie pour un conte fantastique scandé de numéros musicaux atemporels…
Futurs auteurs de « My Fair Lady », Alan Jay Lerner et Frederick Loewe produisirent en 1947 la comédie musicale « Brigadoon », inspirée d’un conte folklorique allemand. Le spectacle eut un tel succès qu’Hollywood en tira un film. Vincente Minelli réunit donc Gene Kelly et Cyd Charisse, après leur inoubliable performance dans Chantons sous la pluie, et se lança dans cette aventure fantastique au postulat pour le moins original. Deux amis new-yorkais, Tommy Albright et Jeff Douglas, passent leurs vacances dans les Highlands d’Ecosse. Armés de fusils, ils s’avèrent de bien piètres chasseurs et s’égarent bientôt dans la forêt… Jusqu’à ce qu’ils découvrent un étrange village qui ne figure sur aucune carte et dans lequel les habitants vivent à l’ancienne, vêtus comme les personnages des cartes postales. D’où une première séquence chantée haute en couleur où des centaines de villageois s’agitent au beau milieu d’un marché bariolé, annonçant les séquences similaires des dessins animés Disney, notamment la célèbre ouverture de La Belle et la Bête.
Considérés d’un œil très suspect par les autochtones, les deux Américains découvrent peu à peu les coutumes séculaires de ce village, qui porte le nom de Brigadoon. Alors qu’ils assistent aux préparatifs d’un mariage en grandes pompes, Tommy tombe raide amoureux de la sœur de la promise, la belle Fiona. Ce qui permet à Gene Kelly et Cyd Charisse de se lancer dans de fort gracieuses chorégraphies au beau milieu d’un vaste décor champêtre entièrement reconstitué en studio. Mais alors qu’il nage en pleine euphorie, Tommy finit par découvrir le secret de ce mystérieux endroit. En 1754, menacés par des sorcières envahissantes, les villageois prièrent si fort que Brigadoon disparut dans les limbes… Pour réapparaître cent ans plus tard. Et depuis, le village disparaît et réapparaît tous les siècles, sans que ses habitants n’en souffrent outre mesure, car pour eux 200 ans ne représentent que deux jours. Ce miracle se perpétuera tant que les villageois ne franchiront pas les limites du bourg. Or voilà le dilemme : Tommy est un new-yorkais pur et dur, une fiancée l’attend en ville, mais il est transi d’amour pour Fiona. Que faire ? Rester ou repartir ?
Le village fantôme
Ramené à la raison par Jeff, notre héros quitte les lieux et rentre aux États-Unis. Comme on pouvait s’y attendre, Tommy pose à peine le pied sur le sol américain qu’il le regrette déjà. Ce qui nous vaut une savoureuse séquence de dîner dans laquelle chaque phrase prononcée par sa fiancée lui rappelle un souvenir ému avec Fiona. N’y tenant plus, Tommy retourne en Ecosse. Et comme il le craignait, là où jadis se tenait le village, il n’y a plus rien… La singularité de ce scénario et la fraîcheur du duo Kelly/Charisse sont les atouts principaux de Brigadoon, qui souffre par ailleurs d’une mise en scène un peu statique et de numéros musicaux pas vraiment mémorables. Il faut dire que les prodigieuses séquences dansées de Chantons sous la pluie avaient placé la barre très haut. On pouvait logiquement espérer une surenchère dans la fantaisie, surtout au sein d’un tel contexte fantastique et atemporel. Or ici, les chansons et les danses sont à l’avenant de l’imagerie d’Épinal du village : désespérément sages. Tout comme ce happy-end naïf et parfaitement illogique auquel ont sacrifié des scénaristes soucieux de caresser leurs spectateurs dans le sens du poil. Brigadoon n’en demeure pas moins un spectacle charmant auréolé par la grâce intacte de son couple vedette.
© Gilles Penso
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