Lucio Fulci tente de s’engouffrer dans la brèche du succès de Conan avec une aventure d’heroic-fantasy parfaitement improbable…
LA CONQUISTA DE LA TIERRA PERDITA / CONQUEST
1983 – ITALIE / ESPAGNE / MEXIQUE
Réalisé par Lucio Fulci
Avec Andrea Occhipinti, Jorge Rivero, Conrado San Martin, Sabrina Siani, José Gras Palau, Violeta Cela, Gioia Maria Scola
THEMA HEROIC FANTASY
Nous sommes en 1983. Lucio Fulci vient d’enchaîner plusieurs films d’horreur mémorables : Frayeurs, Le Chat noir, L’Au-delà, La Maison près du cimetière, L’Éventreur de New York et La Malédiction du pharaon. Sacré à juste titre maestro du gore poétique et de l’épouvante macabre, le voilà qui change brutalement de registre pour satisfaire aux modes du moment. Conan le barbare et La Guerre du feu ayant fait leur petit effet dans le paysage cinématographique international, Fulci s’engouffre ainsi dans cette brèche et se lance dans sa propre épopée d’heroic-fantasy au sein d’une co-production entre l’Italie, le Mexique et l’Espagne. L’idée était séduisante, mais le réalisateur, de toute évidence hors de son élément, ne sait visiblement pas par quel bout prendre cette histoire abracadabrante co-écrite par Gino Capone (Magnum Cop), José Antonio de la Loma (De l’or dans la vallée) et Carlos Vasallo (Le Jour des assassins). Avec Conquest, Lucio Fulci signe ainsi l’un des films les plus bizarres, les plus maladroits et les plus mal-fichus de sa longue carrière.
L’histoire se situe dans un pays sauvage, au cœur d’une époque ancienne indéterminée. Le jeune et valeureux Ilias (Andrea Occhipinti) décide de quitter sa famille pour partir à l’aventure sur une terre lointaine, armé d’un arc magique que lui a remis son père. Le jeune homme pénètre alors dans une lande aride où une petite tribu primitive est terrorisée par des hommes-loups agissant sous les ordres d’Ocron (Sabrina Siani). Cette femme maléfique est nue pendant la totalité du film mais cache son visage derrière un masque. Ses activités favorites ? Psalmodier des chants étranges, laisser un grand serpent se promener sur son corps, absorber des drogues inconnues, aboyer des ordres à ses serviteurs bestiaux et manger le cerveau de ses victimes avec une paille ! Lorsqu’Ilias pénètre sur ses terres, elle n’a plus qu’une seule idée en tête : l’éliminer. Notre valeureux archer est sauvé par un barbare armé d’une fronde (Jorge Rivero). « Mes ennemis m’appellent Mace », dit-il fièrement. « Et tes amis ? » demande Ilias. « Je n’ai pas d’amis. » Beau sens de la répartie. Misanthrope philosophe, Mace se rit de la mort d’autrui mais aime bien les bêtes. Il soigne ainsi un rapace blessé, communique avec les oiseaux et sera même sauvé de la noyade par des dauphins. Les deux hommes unissent leurs forces pour faire cesser le règne de terreur d’Ocron…
Des monstres, du gore et des fumigènes
Conquest nous offre une généreuse collection de créatures invraisemblables : des loups-garous voltigeurs et anthropophages, un porc-épic invisible qui lance des pointes empoisonnées en dessin animé, des monstres aux allures de fœtus de singes recouverts de toiles d’araignées, des hommes-taupes velus ou encore un chevalier en armure robotique capable de changer d’apparence ou de se téléporter en parlant avec la voix de Dark Vador. Lucio Fulci tente même de se rappeler au bon souvenir de ses fans avec une séquence de zombies momifiés qui surgissent d’un lac putride, la musique électronique de Claudio Simonetti imitant en cet instant précis les compositions de Fabio Frizzi. Le cinéaste ne se réfrène pas non plus sur le gore le plus excessif. Les crânes sont défoncés à la masse, les têtes arrachées, les ventres transpercés, les peaux recouvertes de pustules dégoulinantes. En la matière, la cerise sur le gateau reste cependant l’écartèlement à main nue d’une victime féminine dont le corps se déchire en gros plan face à la caméra. Le maquilleur Franco Rufini (Frayeurs, Crimes au cimetière étrusque) s’en donne à cœur joie. Mais la plus grosse partie du budget du film semble avoir été allouée aux machines à fumées, tant Conquest abuse de nappes de brume et de filtres diffusants. Dans le meilleur des cas, les images se parent d’un esthétisme intéressant, comme cette traversée d’un lac sinistre sur une barque ou cette forêt emplie de cadavres desséchés. Mais la plupart du temps, le résultat est flou et cotonneux comme dans un film érotique de David Hamilton. Du coup, la majorité des séquences sont à peine lisibles, noyées dans cet envahissant brouillard cache-misère. Mal filmé, mal monté, incohérent, souvent drôle au second degré, Conquest compte sans conteste parmi les pires films de Lucio Fulci.
© Gilles Penso
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