Le réalisateur de District 9 nous plonge dans un monde futur sinistre où les nantis ont quitté la Terre pour une station spatiale paradisiaque…
ELYSIUM
2013 – USA
Réalisé par Neil Blomkamp
Avec Matt Damon, Jodie Foster, Sharlto Copley, William Fichtner, Alice Barga, Diego Luna, Brandon Auret, Carly Pope, Michael Shanks, Christina Cox
THEMA FUTUR
District 9 ayant fait l’effet d’une bombe dans le milieu du cinéma de science-fiction, Neil Blomkamp, jusqu’alors parfaitement inconnu, devint soudain un réalisateur à suivre de très près. Deux ans après ce premier long-métrage, le cinéaste d’origine sud-africaine fait le tour des studios hollywoodiens avec un nouveau projet baptisé Elysium. Son scénario, ses nombreux dessins de préproduction et son enthousiasme parviennent sans mal à convaincre Sony Pictures. Avec à sa disposition un budget de 115 millions de dollars et deux superstars (Matt Damon et Jodie Foster), Blomkamp tient malgré tout à conserver son style et sa personnalité. Comme District 9, Elysium est donc un film de science-fiction intégrant un discours social et politique radical et combinant de manière ultra-réaliste des prises de vues souvent accidentées (façon « cinéma-vérité ») et des effets visuels numériques haut de gamme. L’intrigue se situe dans le Los Angeles de 2154. La Terre s’est transformée en une sorte de décharge publique à ciel ouvert où erre la majorité de la population, vivotant comme elle peut, bien en-dessous du seuil de pauvreté. Par souci de réalisme, toutes ces séquences sont tournées dans un quartier pauvre d’Iztapalapa, en périphérie de Mexico. Les nantis, eux, ont élu domicile dans une station spatiale en orbite au-dessus de la Terre, Elysium, que Blomkamp reconstitue en studio à Vancouver et dans la riche banlieue mexicaine de Huixquilucan-Interlomas.
Avec cette Terre-poubelle d’un côté et cette station utopique de l’autre, le Wall-E de Pixar nous vient naturellement à l’esprit. Mais contrairement au remarquable film d’animation d’Andrew Stanton, notre bonne vieille planète n’a pas été désertée. Seuls les plus riches ont droit au paradis artificiel d’Elysium, sous la supervision froide et tyrannique de la secrétaire à la Défense Jessica Delacourt (Jodie Foster). Cette élite ne représente qu’un infime pourcentage de l’humanité. En haut, tout est beau, propre, lisse et bien ordonné. Chaque résidence possède sa propre cabine médicale, un miracle scientifique qui guérit à peu près toutes les maladies et blessures du monde. En bas, c’est le chaos, la misère, la saleté et la surpopulation. Les ouvriers, les gangs, les miséreux et les plus faibles tentent de joindre les deux bouts en observant à travers les nuages ce « Beverly Hills en orbite » hors d’atteinte qui ne cesse de les narguer. Max (Matt Damon) fait partie de cette majorité laissée pour compte. Ancien repris de justice, il travaille comme manutentionnaire dans une des usines de Los Angeles. Suite à un accident du travail, il se retrouve gravement irradié et n’a plus que pour quelques jours à vivre. Sa seule chance de survie est de se rendre illégalement sur Elysium. Mais comment ?
L’héritage de Metropolis
L’héritage de Metropolis est manifeste dans Elysium, Blomkamp se réappropriant la verticalité sociale très symbolique du classique de Fritz Lang pour séparer les classes. Là où le cinéaste apporte indubitablement sa patte, c’est dans l’incursion d’éléments de science-fiction purs et durs dans un cadre ultra-réaliste. Ces robots policiers, ces navettes qui sillonnent le ciel ou cette station lointaine s’intègrent avec un naturel désarmant au beau milieu de bidonvilles insalubres et de ruelles grouillantes. Chez Blomkamp, la SF est crédible parce qu’elle n’est qu’un moyen de pousser un peu loin le curseur d’une réalité très tangible. Cette rupture radicale entre les deux univers, l’un feutré et immaculé, l’autre en ébullition permanente, ces luttes primaires pour la survie, ce déséquilibre entre la répartition des richesses, tous ces éléments sociaux appartiennent au monde réel. Cette situation de base sert de terreau à un thriller futuriste palpitant au sein duquel Neil Blomkamp concocte des séquences d’action ébouriffantes, confiant à son compatriote et ami Sharlto Copley (personnage principal de District 9) le rôle d’un redoutable mercenaire sans foi ni loi et nous offrant des panoramas spatiaux splendides influencés de toute évidence par 2001. Après cette superproduction au succès mitigé, le réalisateur poursuivra dans une veine similaire avec Chappie.
© Gilles Penso
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