Le réalisateur de Watchmen reprend en main le film qu’il avait dû abandonner au studio Warner pour lui redonner la forme dont il rêvait…
JACK SNYDER’S JUSTICE LEAGUE
2021 – USA
Réalisé par Zack Snyder
Avec Ben Affleck, Henry Cavill, Gal Gadot, Ezra Miller, Jason Momoa, Ray Fisher, Amy Adams, Jeremy Irons, Diane Lane, Connie Nielsen, J.K. Simmons
THEMA SUPER-HÉROS I SAGA DC COMICS I BATMAN I SUPERMAN
Zack Snyder’s Justice League n’est ni une version longue de Justice League, ni un montage alternatif ou un director’s cut. C’est littéralement un autre film. En cours de fabrication du long-métrage choral consacré aux super-héros majeurs de l’écurie DC Comics, Snyder avait dû précipitamment lâcher l’affaire suite à la mort tragique de sa fille Autumn. Laissé en plan, le film inachevé fut confié à Joss Whedon qui fit ce qu’il put pour raccommoder les morceaux et leur donner un minimum de cohérence. Mais Warner refusait un film trop long – Snyder envisageait au moins trois heures de métrage – et poussa Whedon à couper la grande majorité des séquences pour en tourner d’autres. Pas étonnant, du coup, que Justice League soit une sorte de gloubi-boulga indigeste sans queue ni tête. Il y avait pourtant en germe de ce projet un grand film épique, que Snyder décida d’exhumer plusieurs années plus tard pour revenir à sa vision initiale. Avec la bénédiction de la chaîne HBO Max, le réalisateur reprend donc les choses où il les avait laissées, éliminant toutes les nouvelles séquences tournées par Whedon, tournant de nouvelles choses et opérant des choix radicaux. Le premier est de faire durer le film quatre heures. Le second est d’opter pour un format d’image surprenant : le 4/3, favorisant les compositions verticales comme dans le cinéma classique antérieur à l’avènement du Cinémascope. Le troisième est une tonalité sombre et des séquences d’action brutales. Débarrassé des oripeaux artificiels exigés en 2017 par Warner, Justice League renaît ainsi de ses cendres sous une forme totalement nouvelle.
Imaginé un temps sous le format d’une mini-série, Zack Snyder’s Justice League en conserve la structure, ce qui pousse le réalisateur et son scénariste Chris Terrio à diviser le récit en six chapitres distincts. « N’y compte pas Batman » montre les efforts de Bruce Wayne pour monter une équipe de super-justiciers destinés à défendre la Terre suite à la mort de Superman. « L’ère des héros » raconte la bataille gigantesque qui opposa jadis le redoutable Darkseid et les guerriers venus du peuple des humains, des Atlantes et des Amazones. « Mère adorée, fils adoré » s’attarde sur les origines de Cyborg. « Le Métamorphoseur » montre le pouvoir complexe, à la fois destructeur et régénérateur, des trois boîtes-mères que convoitent Darkseid et son âme damnée Steppenwolf. « Avec les meilleures volontés » se consacre à la résurrection incontrôlable de Superman. « Quelque chose de plus sombre » raconte le titanesque combat final. Puis le film s’achève sur un épilogue très étrange et très ouvert baptisé « Un père puissance deux ».
Une épopée mythologique
Cet impressionnant travail de ravalement de façade n’ôte pas au film toutes ses scories. Le personnage d’Aquaman reste un monolithe bougon et alcoolique dénué de finesse, Barry Allen est toujours un agaçant robinet de vannes au second degré et le revirement soudain de Superman après sa résurrection demeure improbable. Le miracle n’opère donc pas à 100%. Pour autant, le travail effectué sur les personnages est sans commune mesure avec le fatras imposé aux spectateurs quatre ans plus tôt. Dans ce domaine, Wonder Woman est l’une des mieux servies, à l’œuvre dans une première séquence de sauvetage ébouriffante. Le super-vilain Steppenwolf, quant à lui, a été entièrement revu et corrigé, tant dans son look agressif que dans son comportement torturé. Complètement laissés pour compte dans le montage cinéma, Flash et Cyborg deviennent ici les personnages centraux de l’intrigue. Tout se réorganise désormais autour de leurs enjeux personnels et du rôle crucial qu’ils jouent dans l’affrontement final. Batman, lui, reste le roi Arthur de cette escouade de chevaliers d’un nouveau genre (une allusion directe à la Table Ronde apparaît d’ailleurs en fin de métrage). Bref, l’ampleur de ce Justice League new-look, qui s’enracine dans les mythes anciens et cherche son inspiration dans des épopées de la trempe des Nibelungen de Fritz Lang, nous permet enfin de retrouver la verve décomplexée sde celui qui osa porter à l’écran 300 et les Watchmen.
© Gilles Penso
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