VOYAGE DANS LA PRÉHISTOIRE (1954)

Le cinéaste tchèque Karel Zeman redouble d’inventivité pour conter l’aventure d’un quatuor d’enfants qui remontent le temps…

CESTA DO BRAVEKU

 

1954 – TCHÉCOSLOVAQUIE

 

Réalisé par Karel Zeman

 

Avec Josef Lukas, Petr Herrman, Zdenek Hustak, Vladimir Bejual

 

THEMA DINOSAURES I EXOTISME FANTASTIQUE I VOYAGES DANS LE TEMPS

Pour bien apprécier Voyage dans la préhistoire, il faut oublier le rythme effréné auquel se plient habituellement les films d’aventure et se laisser couler dans cette lente traversée initiatique qui – tant pis pour le lieu commun – a tout à fait les allures d’un livre illustré soudain doué de vie, spécialité dans laquelle Karel Zeman est passé maître au fil de ses œuvres enchanteresses. Voyage dans la préhistoire est son tout premier long-métrage, après de nombreux films courts laissant la part belle aux marionnettes animées image par image. Le récit s’articule autour d’une trame extrêmement simple : quatre enfants passionnés de préhistoire entrent dans une grotte qui leur permet de remonter en barque le fleuve du temps et de visiter toutes les grandes étapes géologiques de la Terre, de l’ère glaciaire au silurien en passant bien entendu par l’âge des dinosaures. C’est l’occasion pour eux de rencontrer des mammouths velus, des rhinocéros laineux, des girafes géantes, des stégosaures, un brontosaure, un cératosaure ou encore des ptérodactyles.

Extrêmement pédagogique, le film ne se permet aucun écart scientifique, ni dans la chronologie, ni dans l’aspect des créatures innombrables qui s’animent sous les yeux ébahis des jeunes héros, ni dans leurs noms et leurs mœurs. Voyage dans la préhistoire vaut ainsi tous les livres pour enfants sur la faune et la flore du passé. Zeman s’attache d’ailleurs les services d’un paléontologue de l’université de Prague, le professeur Augusta, auteur d’un livre de référence en la matière, « L’Encyclopédie de la préhistoire ». Du point de vue technique, Zeman redouble d’ingéniosité, mélangeant l’animation image par image, les silhouettes découpées et les marionnettes mécaniques pour donner vie à la vingtaine d’animaux préhistoriques qui déambulent dans le film, entremêlant les décors peints, les maquettes et les accessoires grandeur nature pour figurer la végétation antédiluvienne, remplaçant même les enfants par des figurines mécaniques ou animées en stop-motion le temps de quelques plans furtifs. Des créatures fabriquées en taille réelle sont également mises à contribution pour décrire la faune antédiluvienne, notamment un mammouth et un cadavre de stégosaure.

Le fleuve du temps

Ce mélange des techniques empêche le spectateur de déceler le vrai du faux, plonge l’ensemble du film dans une atmosphère purement féerique, et permet de visualiser quelques scènes d’une beauté surréaliste, comme le guépard qui ronronne férocement sur une branche au-dessus d’un des jeunes protagonistes, l’orage qui se déchaîne sur le paysage volcanique que traverse le quatuor en barque, la horde de girafes préhistoriques qui traverse la forêt, la bataille sauvage entre deux rhinocéros laineux, l’apparition du Phororhacos qui annonce celui de L’Île mystérieuse, l’attaque des ptéranodons ou le combat entre un stégosaure et un cératosaure dans la lumière rouge du crépuscule. En 1966, la société de production « New Trends Associates » récupère les images du film de Karel Zeman et les remonte, sous la supervision de William Cayton, sous prétexte de l’adapter au public américain, en le distribuant sous le titre Journey to the Beginning of Time. Les quatre garçons tchèques sont remplacés par des teenagers américains et cette fois-ci le fleuve qu’ils traversent prend sa source sous Central Park ! Autant dire que ce nouveau montage, truffé d’images de volcans issues de divers documentaires, fait beaucoup perdre de son charme à l’œuvre originale.

 

© Gilles Penso

 

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