MALIGNANT (2021)

James Wan revient à ses premières amours en concoctant un thriller d’horreur surnaturelle au climax particulièrement délirant…

MALIGNANT

 

2021 – USA

 

Réalisé par James Wan

 

Avec Annabelle Wallis, Jake Abel, George Young, Jacqueline McKenzie, Madison Wolfe, Mckenna Grace, Maddie Hasson, Michole Briana White

 

THEMA TUEURS I FREAKS

Entre deux Aquaman, James Wan trouve le temps de renouer avec l’épouvante qui lui offrit ses premiers succès pour imaginer un tout nouveau type de tueur/monstre/démon/freak aux capacités physiques et paranormales surprenantes. Le prologue choc de Malignant, situé en 1993 dans un hôpital psychiatrique, évoque par ses outrances les entrées en matière des films de la grande époque de la collection Stuart Gordon/Brian Yuzna/H.P. Lovecraft. Cette scène de panique excessive dans un décor médical n’aurait pas dépareillé dans un Re-Animator ou un From Beyond, avec en prime une idée scénaristique folle voisine du concept de Shocker. Le générique de début très graphique, monté sur des images chirurgicales filtrées façon VHS et mis en musique sur un rythme agressif par Joseph Bishara, confirme cette volonté d’aborder l’horreur de manière frontale et décomplexée. Mais ensuite, Malignant change de décor et se conforme à une épouvante plus « moderne », en ce sens qu’elle rejoint l’atmosphère des Insidious et des Conjuring. L’intrigue se situe désormais au présent, dans la maison que partage Madison (Annabelle Wallis), enceinte, avec son époux brutal Derek (Jake Abel). Suite à une dispute entre eux, une présence maléfique s’insinue entre les murs et hante le salon en pleine nuit…

Revoici donc James Wan dans l’exercice de style qui lui convient le mieux, c’est-à-dire le huis-clos oppressant. L’élégance naturelle avec laquelle il poursuit ses jeux sur le hors-champ, le sound design et les altérations d’éclairages nous conforte dans l’impression qu’Aquaman était un faux pas. Wan y pris sans doute beaucoup de plaisir, au point de signer pour en diriger la suite, mais force est de constater qu’il n’y est pas dans son élément. En une poignée de courtes séquences dans sa version de Justice League, Zack Snyder prouvait qu’il maîtrisait bien mieux l’univers mythologique des Atlantes. D’ailleurs, dès que Malignant va un peu trop loin dans l’usage d’effets visuels spectaculaires (notamment pour montrer la double-vue de Madison), l’efficacité des mécanismes de la peur s’émousse. Empruntant ses effets de style à la fois au slasher et au thriller paranormal, James Wan s’autorise quelques prises de vues saisissantes (la plongée verticale qui suit l’héroïne paniquée dans toute la maison) et poursuit ses hommages à Dario Argento, qui demeure l’une de ses influences majeures. D’où les éclairages qui virent au rouge saturé, les très gros plans de Madison terrifiée, la brutalité opératique des meurtres, le grand manteau et les gants du tueur ou encore l’emploi d’une arme très iconique.

Le tueur dans l’ombre

Malignant pousse plus loin que d’habitude le phénomène d’identification avec son personnage principal dans la mesure où Madison devient régulièrement une spectatrice impuissante des assassinats du mystérieux tueur, à la fois immobilisée chez elle et transportée dans un autre espace scénique où se noue le drame. Pendant longtemps, il nous est difficile de comprendre la nature de ce meurtrier, à mi-chemin entre le psycho-killer masqué qui se prend les pieds dans le tapis comme celui de Scream et la créature surnaturelle et désarticulée qui se déplace à toute allure à la manière les fantômes japonais dont il partage d’ailleurs les mêmes cheveux sales. Mais les pièces du puzzle finissent par s’assembler jusqu’à un climax hallucinant et ultra-gore dans un commissariat qui nous ramène à la folie qu’annonçait le prégénérique. Le coup de théâtre est d’autant plus étonnant que Wan nous en avait donné les clefs dès le début. Partagé entre l’envie d’égrener confortablement les lieux communs d’usage (la silhouette dans l’ombre, les lumières qui s’éteignent, la caméra sous le lit ou dans les recoins sombres) et celle de basculer dans les excès instinctifs du cinéma de genre des années 80, Malignant est une œuvre en déséquilibre, compensant ses faiblesses par de généreux grands écarts stylistiques.

 

© Gilles Penso

 

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