KRAMPUS (2015)

Lors du traditionnel repas de Noël, une famille dysfonctionnelle doit faire face à une créature redoutable et à ses monstrueux minions…

KRAMPUS

 

2015 – USA

 

Réalisé par Michael Dougherty

 

Avec Adam Scott, Toni Collette, David Koechner, Allison Tolman, Conchata Ferrell, Emjay Anthony, Stefania Owen, Krista Stadler, Lolo Owen, Maverick Flack

 

THEMA DIABLE ET DÉMONS

Scénariste pour Bryan Singer (X-Men 2, Superman Returns), Michael Dougherty réalise son premier long-métrage en 2007, Trick’r Treat, une anthologie consacrée à quatre histoires d’Halloween. Pour son second film, il souhaite s’attaquer à un conte de Noël classique qu’il détournerait pour le muer en récit horrifique. Le concept est séduisant, quoique difficile à vendre auprès d’un studio. Lorsqu’un ami a la bonne idée de lui envoyer une carte illustrée sur laquelle figure le Krampus, une créature hivernale démoniaque présente dans plusieurs folklores européens, Dougherty sait qu’il tient enfin son « bad guy ». Charge à lui de concocter un scénario qui tienne la route, aux côtés de ses compagnons d’écriture Todd Casey et Zach Shields. Ce sont finalement les compagnies Universal et Legendary Pictures qui acceptent de s’embarquer dans l’aventure. Dès ses premières secondes, Krampus joue le jeu du décalage, nous offrant d’abord une version « givrée » des logos des deux studios de production, pleins de neiges et de stalactites, avant que retentisse joyeusement le standard « It’s beginning to look a lot like Christmas » susurré par Bing Crosby. Mais au lieu des images idylliques qu’évoque une telle chanson, Dougherty filme au ralenti une horde de clients lâchés dans un grand magasin comme des bêtes sauvages et prêts à s’entretuer pour acheter leurs cadeaux de Noël. Le ton est donné : Krampus ne va pas y aller avec le dos de la cuiller concernant les bonnes vieilles traditions du 24 décembre.

Le premier tiers du film prend la forme d’une savoureuse satire du repas de Noël. Une famille en équilibre instable tente d’y trouver un semblant de paix, fut-elle provisoire. Mais les cousins horribles, la tante acariâtre et le beau-frère idiot ne facilitent guère les choses. La justesse des comédiens (Toni Collette et Adam Scott en tête) et l’acuité de la mise en scène se mettent au service de cette entrée en matière aussi drôle qu’amère. La soirée tourne bientôt au vinaigre et le jeune Max, excédé par la bêtise des filles de son oncle balourd, s’exclame : « Je déteste Noël ! ». Il déchire la lettre qu’il a écrite au Père Noël, objet de toutes les moqueries, et la jette par la fenêtre où elle s’envole aux quatre vents. À partir de là, tout bascule. Le ciel nocturne se charge de nuages lourds, des bourrasques de vent s’engouffrent entre les arbres, le tonnerre gronde et la musique de Douglas Pipes s’emballe. Au bout d’un tiers de métrage, alors que l’électricité est brusquement interrompue dans tout le quartier, Krampus amorce son virage vers l’épouvante en révélant parcimonieusement sa créature vedette, un être cornu aux pattes de bouc qui vole de toit en toit, traîne des chaînes bruyantes et émet d’inquiétants sons de grelots. Designé par Aaron Sims et conçu par les artistes de Weta Workshop, le monstre fait son effet, tout comme la cohorte de minions qui constituent sa cour. À ce titre, nous ne sommes pas près d’oublier la séquence du grenier dans laquelle les protagonistes se heurtent à des jouets abominables qui semblent échappés d’une production de Charles Band. Les similitudes avec Demonic Toys sont d’ailleurs frappantes : le clown anthropophage, le bébé poupée hideux, l’ours en peluche glouton et le robot agressif ressemblent beaucoup à ceux du film de Peter Manoogian.

Demonic Toys

À ces jouets démoniaques viennent s’ajouter des bonhommes en pain d’épice ricanants et farceurs (réminiscence manifeste des Gremlins), une créature souterraine invisible qui rampe sous la neige et une armada d’elfes difformes. Au beau milieu de la panique et d’une poignée de séquences de suspense habiles – comme celle de l’adolescente cachée sous le fourgon DHL -, Krampus s’attache à un personnage particulièrement intéressant : Omi, la grand-mère qui ne s’exprime qu’en Allemand et semble se douter depuis le début des événements terribles qui se préparent. Elle symbolise l’ancienne génération, celle des croyances ancestrales bâties sur des racines européennes. Lorsqu’elle se décide enfin à parler en anglais, un superbe flash-back en animation ouvre la porte sur les origines du Mal. Le Krampus serait donc « l’ombre de Saint Nicolas », un esprit plus sombre et plus ancien, une sorte d’équivalent autrichien et allemand du Père fouettard. Formidable exercice d’équilibre entre la comédie, l’horreur et la féerie, Krampus est finalement l’alternative idéale aux contes de Noël traditionnels souvent trop sirupeux.

 

© Gilles Penso