Le vétéran Roger Corman passe derrière la caméra pour diriger une variante science-fictionnelle du célèbre mythe
FRANKENSTEIN UNBOUND
1990 – USA
Réalisé par Roger Corman
Avec John Hurt, Raul Julia, Bridget Fonda, Jason Patric, Michael Hutchence, Nick Brimble, Catherine Rabett
THEMA FRANKENSTEIN I VOYAGES DANS LE TEMPS
Alors qu’il avait promis en 1970 que Baron Rouge serait son cinquantième et dernier film en tant que réalisateur, Roger Corman, sous l’impulsion du producteur Thom Mount et du studio Warner Bros, fait un retour spectaculaire à la mise en scène avec cette variation étonnante autour du thème de Frankenstein. Bénéficiant d’un budget de neuf millions de dollars et de sept semaines de tournage, Corman et ses deux coscénaristes (FX Feeney et Ed Robocop Neumeier) adaptent un roman audacieux écrit en 1973 par Brian W. Adliss, « Frankenstein délivré ». Tout commence dans le Los Angeles de 2031, reconstitué avec de belles peintures sur verre. Le scientifique Joseph Buchanan (John Hurt) se livre aux essais d’une nouvelle arme destructrice. Malgré lui, il ouvre une fissure dans le temps et, suite à un orage magnétique, se retrouve à Genève en 1817. Là, Buchanan croise non seulement le Baron Frankenstein (Raul Julia) et son monstre (Nick Brimble), mais aussi la belle Mary Shelley (Bridget Fonda) qui n’a pas encore écrit le livre qui l’immortalisera, et dont les mœurs semblent assez frivoles. « Percy et Byron prêchent l’amour libre », dit-elle. « Pour ma part, je le pratique ». Malgré lui, le savant atomiste participe à la légende de Frankenstein, qui ira jusqu’à façonner un futur parallèle.
Cette œuvre surprenante s’efforce tant bien que mal de mêler gothisme et science-fiction, légende et réalité, Corman n’étant pas désireux de diriger une énième version « classique » du mythe. Mais il faut avouer que la mayonnaise ne prend pas tout à fait. La faute en incombe à un scénario pas toujours bien agencé, à des dialogues ampoulés, à une direction d’acteurs exagérément théâtrale et à une mise en scène mollassonne. Du coup, même si le casting est des plus prestigieux, les personnages ne nous touchent guère dans la mesure où leurs motivations semblent évasives, notamment celles de Buchanan qui flotte au-dessus de l’intrigue sans beaucoup de conviction. Au moment du climax, lorsque Buchanan tente de retrouver son époque en reliant sa voiture futuriste à un clocher par un câble électrique et en attendant la foudre, on ne peut s’empêcher de penser à Retour vers le futur.
Paradoxes temporels
Quand on écoute Corman parler du film, il évoque les questionnements métaphysiques et religieux que soulève une telle intrigue. Bien malin, cependant, sera celui qui en trouvera un reflet consistant à l’écran. Peut-être faut-il imputer certaines des maladresses du résultat final aux bâtons dans les roues que Corman, peu habitué à la politique des grands studios, a dû endurer pendant l’élaboration du film. Du coup, cette Résurrection de Frankenstein n’a finalement pas beaucoup plus d’ampleur qu’un téléfilm moyen, et ce malgré ses nombreuses qualités formelles. Parmi elles, on note un monstre de Frankenstein surprenant, sous un maquillage inédit signé Nick Dudman, qui finit ses jours de fort atroce manière, ainsi que des décors de toute beauté. Et puis, avouons-le, retrouver Corman derrière une caméra reste un vrai plaisir, même si nous sommes bien loin des joyaux de l’âge d’or Edgar Poe / Vincent Price.
© Gilles Penso
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