La Hammer Films s’empare du mythe du lycanthrope et transforme Oliver Reed en anti-héros aux dents longues et au pelage abondant…
THE CURSE OF THE WEREWOLF
1961 – GB
Réalisé par Terence Fisher
Avec Oliver Reed, Yvonne Romain, Clifford Evans, Catherine Feller, Anthony Dawson, Josephine Llewellyn, Richard Wordsworth
THEMA LOUPS-GAROUS
Moins révolutionnaire que Frankenstein s’est échappé ou Le Cauchemar de Dracula, cette production Hammer s’extrait plus difficilement de l’influence du studio Universal dans la mesure où l’aspect du monstre et l’esprit général du film ne sont pas vraiment éloignés du Loup-Garou de George Waggner. Le scénario, signé Anthony Hinds, adapte le roman « The Werewolf in Paris » de Guy Endore (auteur du script de La Marque du vampire et adaptateur des Mains d’Orlac). En toute logique, l’action du film aurait donc dû se situer en France, mais on opta finalement pour l’Espagne, afin de profiter des décors initialement édifiés pour un projet avorté sur l’inquisition. Le prologue de La Nuit du loup-garou dure presque un tiers du film. Raconté par la voix-off de l’un des protagonistes, ce premier acte est construit sur une structure elliptique et prend la tournure d’un conte de fées macabre. Le récit débute ainsi en Espagne au 18ème siècle. Le diabolique marquis Siniestro (Anthony Dawson), visiblement émule de son homologue Sade, humilie pendant son repas de noces un mendiant (Richard Wordsworth, inoubliable mutant dans Le Monstre de Val Guest) et le fait jeter au cachot.
Au bout de longues années, le mendiant devient dément et viole une servante sourde et muette (la toute belle Yvonne Romain) qui a été elle aussi emprisonnée pour avoir refusé les avances de Siniestro, alors atteint d’une syphilis avancée. Après l’étrange mort du mendiant libidineux, la jeune fille parvient enfin à s’enfuir. Elle est recueillie par le professeur Alfredo Colerdo (Clifford Evans) et meurt en donnant naissance à Léon, le futur loup-garou. Toutes les photos publicitaires montrant le loup-garou portant dans ses bras velus Yvonne Carlo en robe d’albâtre sont donc hautement fantaisistes puisque les deux personnages ne coexistent jamais à l’écran. Léon grandit et, dans le village, tout le monde s’inquiète bientôt de retrouver des brebis égorgées. Alors nous apparaît enfin le héros à l’âge adulte, c’est-à-dire le massif Oliver Reed, dont le physique ne s’apparente pas vraiment à celui d’un jeune premier, malgré son indiscutable charisme. Le professeur Colerdo découvre bien vite que Léon se transforme en loup-garou durant les nuits de pleine lune. Le jeune homme, qui est tombé amoureux de Cristina (Catherine Feller), la fille d’un commerçant, craint d’attaquer sa fiancée pendant ses métamorphoses lupines. Il demande donc à son père adoptif de lui venir en aide…
Du poil de la bête
Le monstre lui-même se fait beaucoup attendre, mais il faut reconnaître qu’il ne déçoit guère. Si aucune séquence de transformation spectaculaire ne survient à l’écran, le maquillage s’avère très réussi, œuvre d’un Roy Ashton au mieux de sa forme (sans conteste le plus talentueux des maquilleurs ayant œuvré pour la Hammer). À vrai dire, ce loup-garou évoque beaucoup la Bête de Jean Cocteau, chef d’œuvre du maquilleur Agop Arrakelian, d’autant que la chemise ample et déchirée d’Oliver Reed rappelle celle que portait Jean Marais quelque quinze ans auparavant. Dommage que la démarche et le corps du monstre restent parfaitement humanoïdes, un défaut déjà présent dans la création de Lon Chaney et Jack Pierce qui crée gros un décalage avec le maquillage bestial et ôte de la crédibilité à la créature. Le final, très classique, nous offre la traditionnelle sarabande des villageois armés de torches, prélude à l’incontournable sacrifice de la Bête. Contrairement à la plupart des autres monstres de la Hammer, le loup-garou de Terence Fisher restera le héros d’un seul film.
© Gilles Penso
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