Une jeune femme perturbée se cache dans un entrepôt désert avec de l’argent sale et bascule bientôt dans le cauchemar…
CLASH
1983 – FRANCE / YOUGOSLAVIE
Réalisé par Raphaël Delpard
Avec Catherine Alric, Pierre Clementi, Bernard Fresson, Vjenceslak Kapural, Christian Forges, Jean-Claude Benhamou, Iva Potocnik
THEMA RÊVES
Dans la foulée de sa Nuit de la mort, l’acteur-scénariste-réalisateur Raphaël Delpard se lance trois ans plus tard dans un autre essai fantastico-horrifique, Clash, coproduit par la France et la Yougoslavie et intégralement tourné à Zagreb. Échappée d’une poignée de comédies bien franchouillardes comme on les aime (L’incorrigible, On a volé la cuisse de Jupiter et autre T’empêches tout le monde de dormir), Catherine Alric, dont la ressemblance avec Catherine Deneuve est toujours frappante, incarne ici Martine, une jeune femme solitaire dont le seul réconfort semble être l’amitié de Be Schmuller (qui a la trogne et la voix inimitables de Bernard Fresson). Ce dernier est un gangster, mais Martine n’en a que faire, et lorsqu’il lui demande de passer pour lui la frontière franco-suisse avec 500 000 francs, elle accepte sans hésiter. La voilà donc réfugiée pour quelques jours dans une planque, en attendant des nouvelles de son ami, et le film prend donc à priori les allures d’un polar. Mais bien vite, tout bascule.
Le lieu lui-même n’est pas des plus engageants. Sinistre, sombre et poussiéreuse, la planque est une ancienne usine de mannequins désaffectée qui semble animée d’une vie propre. Alentour, quelques clochards traînent le pas, notamment un vagabond au rire dément qui ne cesse de clamer « pourquoi ne pas vivre derrière les ombres ? ». Peu à peu, Martine perd pied avec la réalité. Elle est terrifiée par un chien errant, voit les mannequins s’animer soudain, rêve de sa propre enfance hantée de cauchemars nocturnes, et se retrouve un matin prisonnière de son sac de couchage. C’est un jeune homme mystérieux (Pierre Clementi), gominé, ganté et tout de noir vêtu, qui la libère. Refusant de parler, pleurant du sang et se lançant sans crier gare dans des vocalises opératiques, l’individu non identifié fait définitivement basculer Martine dans la démence. Elle subit le fameux « clash » du titre, c’est-à-dire un choc nerveux qui l’empêchera dès lors de distinguer le rêve du monde réel.
« Monstres de nos nuits… »
Raphaël Delpard mixe alors les genres et les influences, hésitant entre les phénomènes paranormaux propres aux classiques « ghost sories » (les objets s’animent seuls, le vent siffle en hurlant), le surréalisme à la Dali-Buñuel (les étranges souvenirs d’enfance de Martine qui reviennent la harceler) et le gore pur et dur servi par les maquillages bien saignants de Benoît Lestang et Dominique de Vorges (main mutilée, joue arrachée, visage en décomposition). Au milieu de tout ce fatras, il est bien difficile de savoir où le cinéaste veut en venir, au-delà de l’expérience scénaristique elle-même, qui s’avère pour le moins originale et atypique. Pour échapper à une irréversible folie, sa belle protagoniste devra se réconcilier avec sa propre enfance et chasser de son esprit cet homme en noir qui semble personnifier plusieurs figures masculines, du croquemitaine au père en passant par l’amant… Clash s’avère donc fort nébuleux, et Delpard croit bon d’achever son film sur un curieux épitaphe qui n’aurait guère dépareillé dans une œuvre de Jean Rollin : « Monstres de nos nuits, vêtus de soufre et de ténèbres, venez parfois nous visiter dans le plein soleil de midi, nous avons tant de choses à nous dire. »
© Gilles Penso
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