Une jeune veuve reçoit un jour la visite d’un garçon de dix ans qui affirme être la réincarnation de son époux décédé…
Le point de départ de Birth, réalisé par le jeune metteur en scène anglais Jonathan Glazer, attise immédiatement la curiosité. Alors qu’elle vient d’annoncer son mariage et qu’elle célèbre l’anniversaire de sa mère, Anna (Nicole Kidman) est interpellée par un garçon de dix ans qui affirme être son époux Sean mort une décennie plus tôt. Ce qui ressemble au fruit d’une imagination trop fertile ou à une blague de très mauvais goût prend une inquiétante tournure lorsque l’enfant s’avère connaître tout de Sean, de son entourage et de sa relation passée avec Anna. Cette dernière avait mis tellement longtemps à faire son deuil de l’amour de sa vie, foudroyé par une crise cardiaque, que cet étrange événement va la bouleverser. Birth bénéficie d’un casting et d’une direction d’acteurs irréprochables. Seule tête d’affiche du film, Nicole Kidman révèle une subtilité et une sensibilité que la plupart de ses autres rôles ne laissaient guère imaginer. Dans le rôle du garçon habité par l’âme du défunt, Cameron Bright est époustouflant, suscitant auprès des protagonistes et des spectateurs des sentiments à mi-chemin entre la fascination et l’inquiétude.
Au détour de la distribution, on trouve quelques visages familiers, comme Peter Stormare (Minority Report) en témoin du mariage de Sean et Anna, Ted Levine (Le Silence des agneaux) en père de l’enfant aux yeux d’adulte, Anne Heche (Psycho) en femme tourmentée au lourd secret, et surtout une Lauren Bacall encore pleine de vigueur dans le rôle de la pragmatique mère d’Anna. Tout ce beau monde participe pleinement à la crédibilité du film, le scénario leur réservant des réactions logiques dans un contexte qui ne l’est guère. Voilà la grande force du film. Mais c’est également sa faiblesse, paradoxalement, car au-delà du trouble jeté par l’enfant, la situation n’évolue guère. On aurait espéré que le vernis craque dans cette famille bourgeoise bien sous tous rapports, que les véritables visages se révèlent. D’autant que le scénariste de Birth, Jean-Claude Carrière, était un collaborateur fidèle de Luis Buñuel, dont l’exercice favori consistait justement à égratigner la haute société. Il y a bien cette scène marquante, au cours de laquelle le futur mari s’emporte soudain et octroie en public une fessée à son « rival », comme pour se convaincre lui-même qu’il ne s’agit que d’un enfant de dix ans, mais elle fait figure hélas d’acte isolé.
Tout en retenue
Au diapason de la mise en scène subtile de Glazer, Alexandre Desplat compose une partition entêtante présentant des réminiscences avec le Bernard Herrman de Vertigo. « Malgré les grandes formations orchestrales avec lesquelles je travaille souvent, j’ai tendance à mettre la sourdine sur les cordes et à éviter les vibratos », révèle ce dernier. « La subtilité consiste alors à bénéficier de toute la force d’un orchestre, mais de la retenir, de faire sentir au spectateur sa puissance sans la lâcher trop tôt. » (1) Hélas, emporté par son sujet, le réalisateur se laisse souvent aller à l’autosatisfaction, privilégiant souvent d’interminables plans-séquences contemplatifs. Quant au dénouement, il constitue certes une intéressante surprise, mais il est amené par un rebondissement scénaristique très artificiel, et s’avère finalement peu gratifiant pour un public du coup quelque peu frustré.
(1) Propos recueillis par votre serviteur en mars 2005
© Gilles Penso
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