SPIRAL (2019)

Deux hommes en couple s’installent avec leur fille adolescente dans une petite ville où l’atmosphère devient de plus en plus inquiétante…

SPIRAL

 

2019 – CANADA

 

Réalisé par Kurtis David Harder

 

Avec Jeffrey Bowyer-Chapman, Ari Cohen, Jennifer Laporte, Lochlyn Munro, Chandra West, Ty Wood, Paul McGaffey, Thomas Elms, Aaron Poole, Megan Tracz

 

THEMA SORCELLERIE ET MAGIE

Kurtis David Harder est un cinéaste canadien indépendant, réalisateurs de spots publicitaires et de clips musicaux mais aussi producteur de nombreux longs-métrages, notamment un What Keeps You Alive très remarqué en 2018. Après avoir mis en scène Cody Fitz et Incontrol, il s’attaque à son troisième long derrière la caméra, Spiral, réalisé avec un budget modeste et tourné pendant trois semaines dans une petite ville d’Alberta. Spiral (à ne pas confondre avec le neuvième épisode de la saga Saw qui porte le même titre) inscrit l’épouvante dans un contexte réaliste et y mêle surtout des problématiques sociétales très concrètes. Ici, l’homophobie et le racisme ne sont pas de simples prétextes narratifs ou des « toiles de fond » permettant de cerner l’intolérance d’une bourgade nord-américaine bien-pensante (comme ce peut être le cas dans certains écrits de Stephen King par exemple) mais constituent l’essence même du scénario co-écrit par Colin Minihan et John Poliquin. Au départ, le couple homoparental et interracial que nous présente le film s’appuie sur un équilibre tranquille et des bases apparemment solides. Aaron (Ari Cohen), Malik (Jeffrey Bowyer-Chapman) et leur fille adolescente Kayla (Jennifer Laporte) roulent en direction de la petite ville dans laquelle ils ont choisi de s’installer. Mais dès les premières secondes, le pare-brise se fissure sans raison apparente. Il n’en faut pas plus pour que le malaise s’instille et pour que cette cellule familiale tricéphale connaisse sa première fêlure, si infime soit-elle.

L’installation au sein de cette petite communauté rurale se fait sans heurts. Certes, il y a bien quelques incidents gênants, comme cette voisine qui prend d’abord Malik pour un jardinier. Mais l’accueil est plutôt chaleureux et enjoué, personne ne semblant jauger d’un œil suspect cet homme à la peau noire en couple avec un quadragénaire blanc père d’une adolescente. Cette amabilité extrême n’est-elle d’ailleurs pas un peu suspecte ? Malik se fait sans doute des idées. Aaron, lui, n’a aucun mal à s’intégrer et enjoint l’homme qu’il aime à faire de même. Mais plusieurs détails finissent par concourir à créer un climat anxiogène. Le jour où Malik découvre un grand graffiti homophobe sur le mur de son salon, les souvenirs d’un traumatisme survenu dix ans plus tôt lui reviennent brusquement en mémoire : une agression violente dont il fut victime à cause de son orientation sexuelle. Une nuit, un vieux voisin erre dans leur jardin, donne à Malik un papier, lui fait jurer de ne parler à personne de cette rencontre nocturne et est retrouvé mort le lendemain. Le cauchemar ne fait alors que commencer…

Paranoïa ?

C’est par une série de petits détails bizarres que Kurtis David Harder fait monter crescendo cette atmosphère oppressante, sans que la menace soit palpable. Régulièrement, la caméra avance lentement vers le visage de Malik, la musique monte dans les aigus… et puis plus rien. Une fois, deux fois, trois fois, le procédé finit par devenir un peu lassant, d’autant que le réalisateur semble ne vouloir assumer que du bout des doigts le caractère fantastique de son film. De toute évidence, le traitement de ce qui prend la tournure d’une crise paranoïaque s’inspire de celui adopté par Roman Polanski dans Rosemary’s Baby. Fort heureusement, Spiral finit par avancer d’un cran, à mesure que son protagoniste découvre d’étranges signes en forme de spirale, puis assiste à une cérémonie nocturne insolite se tenant dans la maison en face de la sienne. Jusqu’au moment où surviennent les hallucinations, de plus en plus difficiles à dissocier de la réalité. Spiral bénéficie d’une excellente performance d’acteurs – c’est sans doute son atout majeur – et finit par prendre une tournure très inattendue, les tout derniers rebondissements s’avérant particulièrement troublants.

 

© Gilles Penso


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