Un enfant hérite d’un cadeau aux pouvoirs incroyables : un placard qui donne vie à tous les objets qu’on place à l’intérieur…
L’argument de départ de L’Indien du placard, adapté par Melissa Mathison d’un livre pour enfants de Lynne Reid Banks, est d’une très grande originalité. Alors qu’il fête ses neuf ans, Omri se voit offrir trois cadeaux anodins : un petit placard, une vieille clef et un Indien en plastique. Omri place le petit Indien dans le placard qu’il ferme avec la clef. Au matin, il découvre que l’Indien en plastique de dix centimètres s’est transformé en Indien en chair et en os… de dix centimètres ! L’entrée en matière est donc des plus intrigantes. Cependant, passée la surprise, on ne peut s’empêcher de poser la fatidique question : pourquoi ? La seule explication qui puisse s’imposer est la magie. Or aucun des trois objets ne semble prédestiné à un pouvoir surnaturel. L’Indien apparaît à peine comme un gage d’amitié de la part de Patrick, simple camarade de classe. Le placard est cédé par un grand frère qui ne semble guère prêter attention à son cadet. Seule la clef est chargée d’affect, puisque l’arrière-grand-mère d’Omri l’a donnée à sa petite-fille faute de pouvoir lui laisser un héritage.
Le prétexte scénaristique est tout de même léger pour justifier un tel miracle. D’autant que ce dernier est systématique, n’importe quel jouet placé dans le petit meuble prenant vie. Cette idée permet d’ailleurs à l’équipe d’ILM, via une brève séquence, de ressusciter entre autres Dark Vador et le T-Rex de Jurassic Park pour un affrontement homérique à l’intérieur du placard. Mais ce genre d’inventivité visuelle ne transparaît pas dans l’intrigue. Car Frank Oz et Melissa Mathison ont choisi de démarrer sur une situation à tout prix originale mais l’ont progressivement simplifiée pour aboutir aux lieux communs : le cow-boy et l’Indien miniatures, après la haine et l’incompréhension, deviennent les meilleurs amis du monde ; l’enfant insouciant découvre peu à peu le sens des responsabilités ; Omri et Patrick se disputent avant d’être réconciliés par la voix de la raison, etc.
La sortie de l’enfance
Cela dit, le film soulève au moins deux problématiques passionnantes. La première est liée au jardin secret cher à toute enfance, ce monde parallèle que les têtes blondes cultivent intérieurement sans que l’adulte ne puisse y pénétrer. Rien ne nous empêche d’ailleurs de considérer l’histoire de L’Indien du placard comme entièrement imaginée par les enfants, pourquoi pas ? La seconde thématique concerne la sortie de l’enfance, évoquée ici sur trois niveaux. A neuf ans, Omri entre dans l’âge de la désillusion, où le Père Noël s’avère être un mensonge et les magiciens de simples manipulateurs. De son côté, Ours Rapide, l’Indien haut comme trois pommes, a été arraché à sa tribu en plein 18ème siècle, alors que les siens étaient sur le point de déserter de force les vastes plaines pour se retrouver parqués dans des réserves. Quant à Boone, le cow-boy miniature, il a quitté les siens vers la fin des années 1800, à l’aube d’un modernisme amené à balayer peu à peu la sauvagerie et la naïveté de la surface du globe. Riches et profonds, ces thèmes sont malheureusement à peine survolés par Frank Oz et sa scénariste, que l’on connut plus inspirés par le passé (en l’an de grâce 1982, le premier réalisa Dark Crystal et la seconde écrivit E.T.). Du coup, malgré son immense potentiel, L’Indien du placard restera surtout dans les mémoires pour la performance stupéfiante de ses effets visuels.
© Gilles Penso
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