Alex de la Iglesia met en scène les affres d’un jeune couple dont la maison abrite une présence mystérieuse et malfaisante…
LA HABITACION DEL NIÑO
2006 – ESPAGNE
Réalisé par Alex de la Iglesia
Avec Leonor Watling, F. Javier Gutierrez, Sancho Gracia, Maria Asquerino, Antonio Dechent, Terele Pavez
THEMA MONDES VIRTUELS ET MONDES PARALLÈLES I SAGA SCARY STORIES
En janvier 2007, le public espagnol découvrait avec joie une série de téléfilms d’horreur réalisés par des spécialistes locaux du genre, à l’occasion du programme Peliculas para no dormir (alias Scary Stories) supervisé par Narciso Ibanez Serrador et Julio Fernandez. Cette anthologie était en quelque sorte la réponse ibérique aux Masters of Horror des États-Unis. Alex de la Iglesia ouvrait le bal avec La Chambre du fils (à ne pas confondre bien sûr avec le long-métrage homonyme de Nanni Moretti). Après un prologue inquiétant à souhait – mais un peu déconnecté du reste de l’histoire – où un jeu d’enfants autour d’une vieille demeure tourne mal, La Chambre du fils nous présente ses deux personnages principaux : Juan et son épouse Sonia qui viennent d’avoir un enfant et s’installent dans une nouvelle bâtisse en cours de rénovation, au cœur d’un quartier bourgeois de Barcelone. Cinéaste fidèle, Alex de la Iglesia offre ainsi un rôle principal à F. Javier Gutierrez, qui jouait les seconds couteaux comiques dans Le Crime farpait, et à Leonor Watling, qu’il dirigera à nouveau deux ans plus tard dans Crimes à Oxford. Malgré l’animosité d’une famille revêche prompte à juger chacun de leurs choix, les tourtereaux mènent une vie de jeunes mariés parfaite. Sonia se demande même s’ils méritent une telle situation paradisiaque. « Voilà ce qui arrive quand on a une éducation religieuse » lui répond Juan, moquant ce sentiment de culpabilité typiquement chrétien. Chez Alex de la Iglesia, on le sait, les considérations religieuses ne sont jamais loin.
Or justement, ce calme « suspect » précède une tempête inattendue. Pour surveiller à distance la chambre du bébé, Juan fait l’acquisition d’un modèle dernier cri de « baby phone » qui permet non seulement d’entendre ce qui s’y passe mais aussi d’avoir accès à une surveillance vidéo à l’aide d’une petite caméra et d’un moniteur. Les jeunes parents peuvent donc dormir tranquilles en vérifiant que leur nouveau-né repose paisiblement dans les bras de Morphée. Mais une nuit, alors qu’il a du mal à trouver le sommeil, Juan jette un œil distrait sur le moniteur… et aperçoit un homme assis à côté du bébé ! Pris de panique, il s’y précipite mais personne d’autre que son enfant ne se trouve dans la chambre. Serait-ce une hallucination ? Le problème, c’est que cette situation se reproduit chaque soir. Alors que Sonia commence à s’inquiéter de la santé mentale de son époux, ce dernier bascule peu à peu dans un état de panique proche de la paranoïa. Et si la maison était habitée par une entité surnaturelle et malfaisante ?
Derrière les murs…
La Chambre du fils adopte un schéma classique qui – à l’instar des Innocents ou de Rosemary’s Baby par exemple – questionne le spectateur sur les perceptions de son personnage principal, lequel finit par s’isoler totalement de son entourage. Juan est-il réellement témoin de phénomènes surnaturels ou tout se passe-t-il dans son esprit ? Très rapidement, c’est la deuxième option qui a notre faveur, Alex de la Iglesia prenant soin de nous faire entrer dans la subjectivité du jeune père. Plusieurs séquences perturbantes jalonnent ce téléfilm, notamment lorsque notre protagoniste découvre un second pan de réalité derrière les apparences de sa maison et pend la mesure de la menace qui pèse sur lui. La virtuosité du réalisateur d’Action Mutante est donc intacte, mais on ne peut s’empêcher de regretter le grain de folie et l’insolence qui caractérisent habituellement ses films. En s’attaquant pour la première fois de sa carrière au genre horrifique de manière directe et frontale, sans y adjoindre une couche de comédie, d’ironie burlesque ou de nostalgie poétique, De la Iglesia sacrifie un peu sa personnalité pour entrer sagement dans les canons d’un téléfilm relativement formaté. Fort heureusement, son savoir-faire est toujours là, ses comédiens nous convainquent par la justesse de leur jeu et le scénario co-écrit avec Jorge Guerricaechevarria, le fidèle complice du cinéaste, parvient à maintenir la surprise et l’étonnement jusqu’au bout.
© Gilles Penso
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