Michel Gondry dirige Jack Black, Mos Def et Danny Glover dans cette comédie déjantée et nostalgique teintée de science-fiction…
BE KIND REWIND
2008 – USA
Réalisé par Michel Gondry
Avec Mos Def, Jack Black, Danny Glover, Melonie Diaz, Mia Farrow, Arjay Smith, Quinton Aaron, Chandler Parker, Karolina Wydra, Sigourney Weaver
THEMA CINÉMA ET TÉLÉVISION
Après Human Nature, Eternal Sunshine of Spotless Mind et La Science des rêves, Michel Gondry poursuit sa carrière atypique, changeant à chaque fois de registre et d’univers sans jamais perdre son grain de folie et son excentricité poétique. Grand amateur des effets spéciaux « faits maison » et des trouvailles bricolées avec les moyens du bord, il peut ici s’en donner à cœur joie puisque l’essence même du scénario de Soyez sympa rembobinez repose sur la créativité naïve et les rafistolages inventifs. L’idée du film lui vient en visitant le quartier de Passaic, dans le New Jersey, dont il tombe amoureux. L’atmosphère, les bâtiments et les habitants lui inspirent une histoire s’appuyant sur une crainte locale bien réelle: les nuisances provoquées par une centrale électrique édifiée à proximité. A ce point de départ s’ajoute une autre envie, celle de raviver la nostalgie des vidéoclubs d’antan. Toujours apte à attirer les superstars désireuses de s’offrir un bol d’air en sortant de leur zone de confort, Gondry réunit autour du projet Jack Black, Mos Def, Danny Glover, Mia Farrow et même Sigourney Weaver le temps d’une petite apparition remarquée. La présence de cette dernière est d’autant plus savoureuse que la cassette VHS de S.O.S. fantômes joue un rôle clé dans Soyez sympa rembobinez.
L’intrigue prend donc place dans un coin populaire de Passaic où Elroy Fletcher (Danny Glover) s’efforce de faire vivoter son petit vidéoclub de quartier. On sent bien que cet homme reste cramponné à son passé. À l’époque où tout le monde ne jure que par les DVD, il s’accroche encore aux vieilles VHS et raconte à qui veut l’entendre que son immeuble a vu naître le légendaire jazzman Fats Waller. Le problème, c’est que les lieux sont menacés de démolition pour céder la place à un projet immobilier flambant neuf. Fletcher reste confiant. Pendant son absence, il laisse la responsabilité du magasin à son employé Mike (Mos Def). Celui-ci s’efforce de se montrer à la hauteur d’une telle responsabilité. Mais son ami Jerry (Jack Black), paranoïaque excentrique et complotiste, a décidé de saboter l’usine électrique voisine, coupable selon lui d’altérer son cerveau. Sa « mission » échoue lamentablement et Jerry reçoit un choc électrique gigantesque (visualisé par des arcs en rotoscopie comme dans les films de science-fiction des années 80). Désormais chargé d’énergie magnétique, il entre dans le vidéoclub et efface par sa seule présence toutes les cassettes VHS disposées sur les rayons. La situation est catastrophique. Comment sauver la mise ? Les deux compères ont alors une idée farfelue : tourner eux-mêmes des versions bricolées des blockbusters à la location et faire croire aux clients qu’il s’agit des films réels…
Ma cassette !
L’histoire que Gondry raconte dans Soyez sympa rembobinez induit un changement de style de mise en scène. Oubliées les caméras portées d’Eternal Sunshine of Spotless Mind ou La Science des rêves, place ici à un certain « classicisme » : format anamorphique, caméras sur pied et même mouvements de grue ample, comme pour cette impressionnant plan aérien d’ouverture qui s’achève sous un pont où les héros mettent la dernière touche à une fresque murale. Mais parallèlement, il y a les « films dans le film », que le réalisateur choisit de tourner vraiment au format VHS, avec un caméscope, en s’appuyant sur l’expertise de la directrice de la photographie Ellen Kuras. Tous les systèmes D que déploient ses héros sont vraiment mis à contribution, y compris un vieux ventilateur placé devant l’objectif pour simuler les rayures et le battement d’un vieux film muet. Gondry pousse le vice jusqu’à tourner réellement en plan-séquence cette scène elliptique qui montre les vidéastes amateurs reconstituer tour à tour When We Were Kings, 2001 l’odyssée de l’espace, King Kong, Carrie et Men in Black. Ce marathon filmé en continuité onlige les acteurs à courir à toute vitesse d’un décor en carton-pâte à l’autre tout en changeant sans cesse de déguisement. Parmi tous les films « suédés » (soi-disant venus de Suède) dans Soyez sympa rembobinez, on note aussi des versions délirantes de S.O.S fantômes, Rush Hour 2, Le Roi lion, Robocop, Miss Daisy et son chauffeur et Boys in the Hood (où des pizzas étalées au sol simulent le sang des victimes par balle). Certes, le film est un peu lâche dans sa narration et avance de manière parfois erratique. Mais comment ne pas se laisser séduire par autant de spontanéité, de justesse et de sincérité ?
© Gilles Penso
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