Une fable futuriste cinglante et sanglante dans laquelle Jude Law et Forrest Whitaker démembrent ceux qui ne peuvent plus payer leurs organes…
REPO MEN
2010 – USA
Réalisé par Miguel Sapochnik
Avec Jude Law, Forrest Whitaker, Alice Braga, Liev Schreiber, Carice Van Houten, Chandler Canterbury, Joe Pingue, Liza Lapira
THEMA FUTUR
Il est surprenant qu’un grand studio comme Universal et que des comédiens aussi populaires que Jude Law et Forrest Whitaker aient osé se lancer dans cette fable futuriste qui, sous ses allures de divertissement de science-fiction grand public, abrite une satire sociale cinglante qui ne recule devant aucun effet gore pour délivrer ses salves acerbes. Certes, le sujet même du roman « The Repossession Mambo », écrit par Eric Garcia, n’avait rien d’un conte pour enfants. Mais une adaptation « mainstream » aurait tout à fait été envisageable, surtout avec de telles têtes d’affiche. Or ni les scénaristes (Garcia lui-même et son complice Garrett Lerner), ni le réalisateur Miguel Sapochnik ne semblent vouloir édulcorer le propos initial. Ainsi, lorsque nos « héros » entrent en scène pour récupérer un organe impayé, les armes les plus tranchantes s’acharnent sur les corps des malheureux endettés, le sang gicle sans la moindre demi-mesure, et l’équipe des effets spéciaux s’en donne à cœur joie, sous les bons auspices du maquilleur Andy Clement.
Comme Law et Whitaker, dans le rôle des deux « repo-men » les plus efficaces de leur génération, s’acquittent de leur tâche avec une bonne humeur excessive pour pouvoir toucher leur prime, il semble difficile de trouver chez ces tueurs officiels un pôle d’identification. D’autant que si l’un d’entre eux finit par se retourner contre le système, c’est moins par un élan soudain de conscience humaniste que pour des raisons strictement personnelles. Pourtant, ces protagonistes nous attirent et nous touchent, suscitant auprès des spectateurs une empathie qui semblait de prime abord impensable. Ce petit miracle, sans lequel Repo Men ne serait qu’un défouloir dénué d’émotion, repose beaucoup sur les épaules des deux comédiens principaux, cassant volontairement leur image de superstars sympathiques pour composer des anti-héros cyniques et désabusés. Même l’excellent Liev Schreiber parvient à contourner les écueils du manichéisme, malgré les ignominies perpétrées par la société que dirige son personnage.
Violent et décomplexé
Le questionnement moral est donc au cœur du récit, mais le scénario refuse ostensiblement de se soumettre au dictat du politiquement correct. Aucune réelle rédemption ne vient illuminer le destin de ces employés modèles, et si l’acte final de Repo Men semble vouloir racheter les péchés de chacun en préservant la morale, ce n’est qu’un leurre savamment orchestré qui s’achemine sans détour vers un dénouement pour le moins surprenant. Et pour mieux noyer le poisson, le long-métrage de Miguel Sapochnik s’offre les atours d’une superproduction d’anticipation digne de ce nom, révélant d’impressionnants panoramas d’une cité cyclopéenne où le métro aérien se faufile tel un serpent entre d’immenses immeubles, et ponctuant ses péripéties de combats musclés et spectaculaires au cours desquels Forrest Whitaker peut pleinement exploiter sa maîtrise des arts martiaux. Violent, décomplexé, rythmé par une bande originale énergisante qui alterne les envolées symphoniques de Marco Beltrami et une playlist musicale joyeusement décalée, Repo Men nous évoque les œuvres subversives et impertinentes de Paul Verhoeven. Comme référence, il y a pire.
© Gilles Penso
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