Des deux côtés de la caméra, Roberto Benigni met en scène et incarne le célèbre pantin vivant imaginé par Collodi
Après le triomphe de La Vie est belle, Roberto Benigni était libre de se lancer dans n’importe quel projet cinématographique. L’idée lui est donc venu de réaliser et d’interpréter une nouvelle adaptation du célébrissime conte imaginé par Collodi. La pertinence d’une telle entreprise laisse quelque peu perplexe. En effet, non seulement « Pinocchio » a fait l’objet de maintes versions filmées, limitant du coup considérablement l’effet de surprise (celle de Steve Barron sortit sur les écrans à peine six ans plus tôt), mais en outre Benigni était âgé de cinquante ans lors du tournage du film. Malgré son éternelle jeunesse et son grain de folie permanent, le fringuant acteur/réalisateur manquait donc singulièrement de crédibilité dans le rôle d’un pantin juvénile transformé en petit garçon ! Ici, le vénérable sculpteur Gepetto est interprété par Carlo Giuffré. Un jour, un tronc d’arbre doué de vie grâce aux pouvoirs magiques de la fée bleue (Nicoletta Braschi) traverse tout le village en semant une belle panique pour venir cogner à sa porte. Séduit par la qualité de ce bois, du pin massif, il en fait un pantin articulé qu’il nomme Pinocchio.
Assez curieusement, le film prend le parti de nous montrer d’emblée Benigni sous forme humaine, sous-entendant l’acceptation par le public de deux données un peu difficiles à avaler : le joyeux quinquagénaire habillé comme un clown est un pantin en bois, et il représente un gamin de sept ou huit ans. La fée concède à muer Pinocchio en véritable petit garçon à condition que celui-ci se montre honnête et travailleur. Hélas, les tentations sont nombreuses, et le petit homme de bois n’a pas la force de caractère d’y résister, malgré un bon fond manifeste, et malgré les mises en garde de sa conscience qui a pris la forme d’un grillon parlant (incarné par le comédien Peppe Barra, affublé pour l’occasion de deux jolies antennes). Ainsi, alors que son père se saigne aux quatre veines pour lui acheter un abécédaire, Pinocchio s’éloigne du chemin de l’école pour assister au spectacle de marionnettes d’un théâtre ambulant tenu par un ogre colossal (Franco Javarone). Ensuite, ce sont un renard et un chat (Max Cavallari et Bruno Arena) qui abusent de sa naïveté en lui volant son argent. Pinocchio n’est pas au bout de ses peines, car son chemin sera encore semé d’obstacles et de créatures étranges…
Benigni en roue libre
Armé de moyens importants, Benigni a pu donner corps aux séquences féeriques qui ponctuent le récit à l’aide de décors somptueux et d’effets spéciaux numériques haut de gamme. Ces derniers permettent notamment de visualiser les évolutions hystériques d’un tronc d’arbre vivant, les bonds frénétiques du minuscule grillon aux côtés de Pinocchio, les centaines de souris qui tirent le carrosse de la fée bleue, le gigantisme de l’ogre Mange-le-Feu ou encore la monstrueuse baleine aux allures de requin colossal. Le film se pare également d’une partition enjouée signée Nicola Piovani (Intervista, Jambon jambon, La Vie est belle). Mais toutes ces qualités formelles sont gâchées par le jeu insupportable de Benigni, en totale roue libre, qui gesticule, s’agite, sautille et s’avère incapable de prononcer une seule ligne de dialogue sans hurler, sabordant du même coup son film par un trop plein d’hystérie.
© Gilles Penso
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