Le créateur de Godzilla met en scène un monstre de Frankenstein aussi grand que King Kong dans cette variante délirante du mythe de Mary Shelley…
FURAKENSHUTAÏN TAÏ BARAGON
1965 – JAPON
Réalisé par Inoshiro Honda
Avec Nick Adams, Tadao Takashima, Kumi Mizuno, Susumu Fujita, Yoshibumi Tajima, Takashi Shimura, Yoshio Tsuchiya
THEMA FRANKENSTEIN I DINOSAURES
Dès 1928, Willis O’Brien, futur créateur des géniaux effets spéciaux de King Kong, imagina un monstre de Frankenstein de quinze mètres de haut, avant même que James Whale ne réalise sa légendaire version du roman de Mary Shelley. Incapable de financer le projet, il conçut quelques années plus tard un autre concept alléchant baptisé Frankenstein contre King Kong. Hélas, le peu scrupuleux producteur John Beck lui vola l’idée et la vendit au studio japonais Toho, qui s’en inspira pour deux films fort dissemblables : le très maladroit King Kong contre Godzilla et cet inénarrable Frankenstein conquiert le monde dont le scénario ne recule devant aucune excentricité. Expédiée d’Allemagne nazie vers Hiroshima, une boîte contient le cœur du défunt monstre de Frankenstein. Sous l’effet des radiations de la bombe américaine, le cœur se régénère sous la forme d’un organisme complet. Vingt ans plus tard, on découvre un jeune garçon étrange à Hiroshima.
« Étrange » est à vrai dire un doux euphémisme, car son visage a les traits de Boris Karloff dans le premier Frankenstein ! Le docteur James Bowen (Nick Adams, caution occidentale du film destinée à assurer sa distribution internationale) examine le garçon et constate que sa croissance s’accélère subitement. Bowen, qui a sans doute vu le film de James Whale, est persuadé que le garçon est une mutation du monstre de Frankenstein. Gardé en cage, le garçon se coupe une main. Si celle-ci continue à vivre et se régénère sous forme d’un tout nouveau corps, Bowen aura la preuve qu’il cherche. Devenu géant, le garçon se libère de ses chaînes lorsque des reporters l’irritent, puis prend la fuite dans la montagne où il terrorise des fermiers pas du tout préparés à un tel spectacle. Un séisme réveille alors Baragon, une sorte de dinosaure cornu qui attaque les villageois et menace Bowen…
L’attaque du dinosaure cornu
Cette variation très surprenante sur l’œuvre de Mary Shelley s’appuie sur le traumatisme de la bombe atomique, comme bon nombre de films de monstres nippons produits par la Toho, mais le réalisateur Inoshiro Honda et le créateur d’effets spéciaux Eiji Tsuburaya semblent surtout avoir trouvé là un bon prétexte pour rendre un nouvel hommage à King Kong, film culte qui leur inspira onze ans plus tôt le tout premier Godzilla. Les références au chef d’œuvre de Schoedsack et Cooper ne manquent pas, du monstre qui s’échappe après avoir été énervé par le flash des photographes jusqu’à ses déambulations au milieu des buildings d’une ville paniquée… Le maquillage karloffien du monstre est assez convaincant, tout comme les trucages optiques visualisant son gigantisme, malgré quelques transparences et maquettes un peu douteuses. On ne peut pas en dire autant de Baragon, ridicule dinosaure caoutchouteux affublé d’une corne lumineuse qui clignote, d’oreilles flottantes et d’écailles hérissées sur son dos. Sous cette défroque pseudo-reptilienne sue à grosses gouttes le cascadeur Haruo Nakajima. Après avoir affronté Baragon, notre gentil monstre doit encore lutter contre une pieuvre géante bien plus réussie – réminiscence de King Kong contre Godzilla – qui, comble de l’injustice, l’entraîne avec elle au fond des océans. Cette dernière séquence sera coupée dans la version américaine, titrée avec emphase Frankenstein Conquers the World (ce qui inspirera le titre francophone du film).
© Gilles Penso
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