Vincent Cassel joue les dangereux psychopathes dans cette tentative maladroite de bouleverser les codes du genre horrifique…
SHEITAN
2005 – FRANCE
Réalisé par Kim Chapiron
Avec Vincent Cassel, Olivier Bathelemy, Roxane Mesquida, Nico Le Phat Tan, Ladj Ly, Leïla Bekhti, Julie-Marie Parmentier
THEMA TUEURS
Le manque d’humilité de l’équipe à l’origine de Sheitan, qualifiant le film de « grande claque au cinéma français qui commençait à s’encroûter », d’« attentat cinématographique » ou de « riff de guitare » (rien que ça !), n’incitait guère à l’indulgence au moment du visionnage de cette œuvre autoproclamée révolutionnaire. Pourtant, les premières images sont plutôt prometteuses, servies par une mise en scène dynamique et de jeunes comédiens débordant d’énergie. La veille de Noël, Bart (Olivier Bathelemy), Ladj (Ladj Ly), Thaï (Nico Le Phat Tan), Yasmine (Leïla Bekhti) et Eve (Roxane Mesquida) quittent une soirée survoltée qui s’est mise à virer au pugilat. Alors qu’ils errent en voiture dans les rues nocturnes de Paris, Eve leur propose de passer le reste du week-end chez elle, dans sa grande maison de campagne. Quelques kilomètres plus tard, les voilà en pleine France profonde, au milieu d’une route perdue envahie de chèvres. Bientôt, nos citadins en vadrouille sont accostés par Joseph (Vincent Cassel), le gardien de la maison d’Eve.
À partir de là, rien ne va plus, et Sheitan se met à sombrer lentement mais sûrement vers le grand n’importe quoi. Il faut dire que la prestation de Cassel, censée effrayer les protagonistes et le spectateur, a de quoi laisser perplexe. Le sourire figé, les yeux écarquillés, la démarche claudicante et la voix gutturale, le héros des Rivières pourpres nous livre probablement la plus grotesque de toutes ses performances (et pourtant ses intervention dans Le Pacte des loups étaient déjà assez gratinées !). Certes, Kim Chapiron, qui réalise là son premier long-métrage après dix ans de films courts conçus au sein du collectif « Kourtrajmé », définit Sheitan comme un mixage assumé entre la comédie et l’horreur. Mais le résultat n’étant ni vraiment drôle, ni franchement terrifiant, l’objectif semble clairement manqué.
Tous les ingrédients sont pourtant là…
Pourtant, tous les ingrédients ont été savamment réunis : le groupe de jeunes pluriethnique post-La Haine en pleine parade amoureuse (pour la partie comique « dans l’air du temps »), la maison isolée dans les bois, les campagnards retardés façon Délivrance ou Les Chiens de paille, le grenier garni de poupées sinistres (pour la partie épouvante), les jeunes filles peu farouches qui aguichent les mâles en se trémoussant lascivement et semblent prêtes à se donner corps et âme (pour la partie pseudo-érotique). Hélas, agencés n’importe comment au fil d’une intrigue filiforme, ces éléments épars se juxtaposent sans la moindre cohérence, et les frayeurs promises brillent par leur absence. Ni les coups de folie de Vincent Cassel (qui officie ici pour la première fois en tant que producteur), ni cette mystérieuse femme enceinte qui hante les couloirs du manoir, ni ce twist final aux effets empruntés à Audition ne parviennent à éveiller un quelconque intérêt. Kim Chapiron tente bien de créer un petit événement en jouant la carte de la provocation (une jeune fille délurée masturbe un chien, une autre se laisse prendre par deux garçons en chaleur, Cassel arrache des yeux avec un couteau en forme de tire-bouchon), mais l’impact de telles scènes est quasiment nul en l’absence d’un quelconque enjeu dramatique.
© Gilles Penso
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