QUELQUES MINUTES APRÈS MINUIT (2016)

Pour fuir son quotidien triste et banal, un petit garçon s’invente un ami monstrueux et incontrôlable…

A MONSTER CALLS

 

2016 – ESPAGNE / GB / USA / CANADA

 

Réalisé par Juan Antonio Bayona

 

Avec Lewis MacDougall, Sigourney Weaver, Felicity Jones, Toby Kebbell, Ben Moor, James Melville, Oliver Steer, Dominic Boyle, Jennifer Lim et la voix de Liam Neeson

 

THEMA CONTES I RÊVES

L’idée du roman « A Monster Calls » naît dans l’imagination de Siobhan Dowd, romancière militante signataire de plusieurs livres pour la jeunesse. Mais le cancer dont elle est victime l’empêche de le mener à bien. Avant de mourir, elle propose à Patrick Ness de le terminer. L’écrivain anglo-américain s’acquitte de cette tâche et publie le livre en 2011, orné d’illustrations de Jim Kay. Lorsque l’idée d’en tirer un film commence à se concrétiser, Ness en signe lui-même le scénario qu’il souhaite le plus fidèle possible au texte original. Et c’est Juan Antonio Bayona, réalisateur de L’Orphelinat et The Impossible, qui se charge de la mise en scène. L’histoire s’intéresse à Conor O’Malley (Lewis MacDougall), un garçon de douze ans qui peine à trouver sa place dans le monde. Sa mère (Felicity Jones) souffre d’un cancer, son père (Toby Kebbell) a refait sa vie, sa grand-mère (Sigourney Weaver) lui est très antipathique et ses camarades de classe le maltraitent. Pour s’évader de ce quotidien morose, Conor dessine et regarde des films. Dans une séquence d’une grande tendresse, il visionne une copie super 8 de King Kong avec sa mère. L’émotion l’étreint lorsque le gorille géant, abattu par les avions, tombe du haut de l’Empire State Building. L’imagination de Conor est saisie en plein vol.

La nuit, Conor se met à rêver que l’arbre sur la colline qui surplombe le cimetière voisin se transforme en monstre noueux pour lui rendre visite et lui raconter d’étranges récits. Au fil de ces contes d’un autre âge, la notion de manichéisme semble toute relative et le paradoxe est roi. « Les histoires sont des bêtes sauvages », dit la créature au jeune garçon « Quand on les laisse s’échapper, qui sait ce qui peut arriver ? » Mais ces rêves contaminent la réalité et poussent bientôt Conor à commettre des actes imprévus. Car ce monstre n’est autre que la facette bestiale de sa propre personnalité, le symbole de sa rage, de sa colère, de sa frustration. C’est un peu son monstre de l’Id, son Hyde, son Hulk. Le Fantastique s’immisce ainsi dans un drame réaliste, pratique coutumière de nombreux cinéastes hispaniques, et prend du coup une dimension métaphorique.

« Les histoires sont des bêtes sauvages »

L’arbre-monstre charrie de nombreux symboles : la solidité, l’ancienneté, la nature, la sagesse, mais aussi et surtout une idée de transmission, comme le laisse comprendre de manière très explicite la toute fin du film. Conçue à l’aide d’effets visuels remarquables, la créature est magnifique, preuve que les trucages numériques sont rarement aussi beaux que lorsqu’ils se mettent au service de la poésie. Ce sens de l’esthétisme contamine aussi les petites histoires nocturnes, qui prennent vie à l’écran sous forme de splendides aquarelles animées. Contemporain mais atemporel, Quelques minutes après minuit est un conte de fée atypique, un peu morbide, un peu sinistre. La tristesse y est omniprésente, mais elle est transcendée par cette idée que le monde de l’imaginaire peut aider un enfant à vivre les moments les plus douloureux de son existence, à braver ses peurs, à accepter l’inacceptable, à assumer ses pensées les plus intimes, si confuses semblent-elles, et à aller de l’avant malgré tout. C’est un film rare, unique, qui ne pouvait pas plaire à tout le monde et qui ne remporta donc qu’un succès d’estime, malgré d’excellentes critiques partout dans le monde.

 

© Gilles Penso

 

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