NORWAY OF LIFE (2006)

Un homme se retrouve du jour au lendemain dans une « ville idéale » parfaite et bien ordonnée de laquelle il ne peut s’échapper…

DEN BRYSOMME MANNEN

 

2006 – NORVÈGE

 

Réalisé par Jens Lien

 

Avec Trond Fausa Aurvaq, Petronella Barker, Per Schaaning, Brigitte Larsen, Johannes Joner, Elle Horn, Anders T. Andersen

 

THEMA MONDES VIRTUELS ET MONDES PARALLÈLES

Marqué par Stranger than Paradise de Jim Jarmush, Sixième sens de M. Night Shyamalan, mais aussi par le courant surréaliste en général et Luis Buñuel en particulier, le cinéaste norvégien Jens Lien a concocté avec Norway of Life un film fantastique résolument atypique. Adapté d’une pièce radiophonique, le scénario prend quelques libertés avec sa source d’inspiration et nous décrit la mésaventure d’Andréas (Trond Fausa Aurvag). Ce dernier débarque en début de métrage dans une ville étrange, ignorant comment il est arrivé là. Sur place, on s’empresse de lui donner un emploi, un appartement et même une femme. La vie ici-bas semble simple et bien ordonnée. Mais bien vite, Andréas s’aperçoit que quelque chose cloche. Lorsqu’il tente de s’enfuir, il découvre que la ville est sans issue. Désemparé, il fait alors la connaissance de Hugo, qui a découvert dans un mur de sa cave un trou dont s’échappent de merveilleux sons. Serait-ce l’entrée vers « l’autre monde » ? Bientôt, un nouveau plan d’évasion est mis sur pied…

Le concept du film évoque immédiatement la légendaire série Le Prisonnier avec laquelle il présente de très nombreux points communs sans chercher pour autant à l’imiter. La Quatrième dimension de Rod Serling vient aussi naturellement à l’esprit. Mais Norway of Life s’appréhende surtout comme une satire de la vie en Norvège, notamment à Oslo. Tout y semble idéal : le foyer, la bureau, la rue. La vie ressemble à des couvertures de magazine, et l’on rénove et redécore tout en permanence. Les décors sont souvent vides, symboles de la vacuité d’une vie sans aspérité. Et la production n’ayant pas les moyens de prolonger les sites réels par de coûteux matte-painting, un minutieux travail de repérages fut mis en place avant le tournage, afin que les sites naturels suédois les plus appropriés puissent être filmés tels quels.

Qui est fou ?

Pour renforcer son argument, le cinéaste ne recule pas devant la violence, comme en témoigne cette image choc d’un homme empalé sur une barrière. L’impact d’une telle scène repose autant sur son horreur visuelle (l’homme est en sang, ses viscères s’écoulent au sol) que sur ses répercussions directes, les gens dans la rue passant devant lui sans s’en soucier le moins du monde. Plus tard, à travers un remarquable travail de montage et d’effets sonores, un suicide dans le métro s’avère à la fois absurde, drôle et atroce. C’est donc à une véritable douche écossaise que nous invite Jens Lien, avec au bout du chemin l’interrogation ultime : « qui est fou, moi ou le monde qui m’entoure ? » Une question qui, bien entendu, restera sans réponse. Monde parallèle ? Régime totalitaire ? Rêve éveillé ? Second niveau de conscience ? Si la pièce initiale donne le fin mot de l’histoire, le réalisateur préfère rester flou, comme pour mieux inciter le spectateur à échafauder ses propres théories. Et si le titre « français » joue la carte du jeu de mot, le titre original, plus ambigu, pourrait se traduire par « L’homme gênant ». En 2007, Norway of Life rafla plusieurs prix au Festival du Film Fantastique de Gérardmer, notamment le Grand Prix, le Prix de la Critique Internationale, le Prix Jury Jeunes et le Prix du Jury Sci-Fi.

 

© Gilles Penso


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