Après l’accident qui a décapité sa fiancée, un jeune chirurgien décide de maintenir sa tête en vie et de lui greffer un autre corps…
THE BRAIN THAT WOULDN’T DIE
1962 – USA
Réalisé par Joseph Green
Avec Jason Evers, Virginia Leith, Leslie Daniel, Adele Lamont, Bonnie Sharie, Paula Maurice, Marilyn Hanold, Bruce Brighton, Arny Freeman
THEMA MÉDECINE EN FOLIE
Le Cerveau qui ne voulait pas mourir est le premier long-métrage – et le seul qui soit passé à la postérité – de Joseph Green, réalisé de manière indépendante avec un budget anémique de 62 000 dollars. Avec quelques comédiens et une poignée de décors sobres, Green tourne pendant treize jours, dans les environs de Tarrytown à New York, principalement dans les sous-sols d’un hôtel reconverti en plateau de cinéma improvisé, sous le titre provisoire The Black Door (« La porte noire »). Complètement délirant, le scénario s’intéresse au docteur Bill Cortner (Jason Evers), un jeune chirurgien plein d’ambitions qui prône les méthodes expérimentales et non orthodoxes pour faire avancer la science, ce que son père a tendance à réprouver. « La ligne entre le génie scientifique et l’obsession fanatique est très mince », lui dit-il. « Je veux que tu sois du bon côté ». Mais cet émule du docteur Frankenstein (qui annonce par bien des aspects le Herbert West de Re-Animator) a les idées bien arrêtées. Après un accident de voiture qui décapite sa fiancée Jan Compton (Virginia Leith), il récupère en hâte sa tête (qu’il cache dans son manteau) et la ramène illico dans son laboratoire isolé dans une grande maison de campagne. Là, au milieu d’alambics et de fils électriques entortillés qui évoquent plus l’alchimie que la médecine, il décide de la maintenir en vie en attendant la transplantation qui la remettra sur pied. Il ne lui reste plus qu’à trouver un nouveau corps…
Ce postulat prometteur nous offre l’un des films de science-fiction les plus excentriques de sa génération. Le problème est la difficulté pour Green de remplir correctement 90 minutes de métrages avec une intrigue aussi filiforme. Il fait donc traîner ses séquences en longueur, sature le film de dialogues explicatifs et intègre artificiellement un personnage secondaire sans intérêt (l’assistant Kurt, incarné par Leslie Daniel) qui n’a d’autre intérêt que meubler un peu le métrage en dialoguant avec le savant fou et avec la tête coupée de sa fiancée. Si l’on excepte ces scories qui ralentissent souvent le rythme, Le Cerveau qui ne voulait pas mourir se laisse regarder avec la gourmandise chère aux amateurs de séries B farfelues compensant leur manque de moyen par un grain de folie. En ce sens, nous ne sommes pas très loin des productions Roger Corman des années 50 et 60. Le réalisateur se permet même quelques facéties visuelles conçues sous forme de clins d’œil, comme ce combat entre deux strip-teaseuses qui s’enchaîne sur un dessin de chat et un bruit de miaulement (« catfight » signifie « bagarre de filles » en anglais), ou ce buste féminin posé sur une table qui rappelle celui de l’infortunée héroïne dont la tête repose dans un bac empli de liquide. Comme si tous les éléments du « cinéma bis » n’étaient pas assez réunis, le film ajoute une créature contrefaite, fruit d’une expérience ratée de Cortner qui gît dans un placard en poussant d’improbables borborygmes. La bête est incarnée par un acteur géant (Eddie Carmel) portant un maquillage insensé à côté duquel même le monstre de Frankenstein s’est échappé est un modèle d’harmonie.
Sans queue ni tête
En voyant l’absurdité du résultat final, la comédienne Virginia Leith aurait été tellement consternée qu’elle aurait refusé de participer aux séances de post-production du film. C’est ce qui explique le changement de voix de son personnage dans la scène de la voiture où elle discute de dos avec Jason Evers avant l’accident fatal qui lui fera perdre la tête. On peut la comprendre. Pour une comédienne digne de ce nom, se contenter de jouer une tête sur un plateau qui gémit et ricane n’est pas forcément l’expérience la plus passionnante qui soit. Il n’en demeure pas moins qu’elle doit au moins autant sa célébrité à ce film qu’à son rôle plus « respectable » dans Les Inconnus dans la ville de Richard Fleischer. Achevé en 1959, Le Cerveau qui ne voulait pas mourir ne sortira en salles qu’en mai 1962, en double-programme avec Invasion of the Star Creatures. Devenu culte, il inspirera une comédie musicale en 2011 et un remake en 2020.
© Gilles Penso
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