Deux monstres sacrés du cinéma d’épouvante, Vincent Price et Barbara Steele, se retrouvent dans l’univers tourmenté d’Edgar Poe…
THE PIT AND THE PENDULUM
1961 – USA
Réalisé par Roger Corman
Avec Vincent Price, John Kerr, Barbara Steele, Luana Anders, Antony Carbone, Patrick Westwood, Lynette Bernay
THEMA SUPER-VILAINS I SAGA EDGAR POE PAR ROGER CORMAN
Lorsqu’il s’attela à La Chute de la maison Usher, Roger Corman n’envisageait pas d’en faire le premier épisode d’une longue série, d’autant que les financiers du film craignaient qu’Edgar Poe ne rebute le grand public et qu’un film d’épouvante sans monstre ne soit guère promis au succès. Or Usher se comporta de manière plus que satisfaisante au box-office, traînant dans son sillage cette seconde adaptation de l’univers de l’écrivain tourmenté. Pour réitérer le succès du film précédent, le cinéaste s’entoure des mêmes collaborateurs principaux, en priorité le comédien Vincent Price auquel il souhaite adjoindre la présence magnétique de Barbara Steele, dont la prestation dans Le Masque du démon l’a fortement impressionné. Tourné en seulement quinze jours, le film n’adapte en réalité que très peu la nouvelle de Poe dont il est censé s’inspirer, « Le Puits et le Pendule », dans la mesure où le texte original raconte à la première personne les tourments d’un condamné à mort dans l’obscurité totale de sa cellule.
Pour que les mots se muent en images, l’écrivain et scénariste Richard Matheson se voit contraint d’imaginer de toutes pièces une histoire, ne reprenant de la prose de Poe que les deux instruments de torture du titre original : une hallebarde montée sur un balancier qui descend inexorablement vers une victime pour la trancher en deux, et un gouffre prêt à happer ceux qui s’y aventurent de trop près. Le récit nous transporte dans l’Espagne du seizième siècle. Pour éclaircir les circonstances de la mort mystérieuse de sa sœur, Francis Barnard (John Kerr) se rend au château dans lequel elle vivait aux côtés de son époux Nicholas Medina (Vincent Price). Nous découvrons alors que Sebastian Medina, le père de Nicholas, était un redoutable inquisiteur espagnol amateur de tortures raffinées. Tourmenté par ce funeste héritage, Nicholas finit par se demander s’il n’a pas enterré vivante son épouse. Et c’est bien sûr Barbara Steele qui hérite du rôle de l’infortunée Elizabeth Barnard Medina.
Victime ou bourreau ?
A vrai dire, la comédienne n’intervient que dans deux séquences de La Chambre des tortures, mais elles sont tellement mémorables qu’elles justifient sans conteste sa présence en troisième position dans la liste des acteurs principaux du film. La première est un flash-back au cours duquel elle nous apparaît d’abord revêtue des plus belles parures, radieuse et souriante, vivant une douce idylle aux côtés de Nicholas avant de découvrir la chambre des tortures ancestrale et de se mettre lentement à dépérir. Dans la seconde, elle surgit de sa tombe, les yeux fous, le sourire cruel, les mains ensanglantées, pour venir harceler son pauvre époux. La dualité victime/bourreau mise en évidence dans Le Masque du démon est donc de mise une fois de plus. Selon une démarche similaire à celle de La Chute de la maison Usher, Corman tourne son film dans des décors tourmentés reconstitués en studio par le designer Daniel Haller, un parti pris dicté par les contraintes financières, mais qui procède aussi d’une volonté d’étrangeté et d’artifice. Car pour Corman, les récits de Poe sont des vues de l’esprit, des créations de l’inconscient ne se rattachant pas directement à la réalité.
© Gilles Penso
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