Sept voyageurs sont contraints de passer la nuit dans un château où ils vont être victimes de leurs propres tentations…
LA PLUS LONGUE NUIT DU DIABLE / THE DEVIL’S NIGHTMARE
1971 – BELGIQUE / ITALIE
Réalisé par Jean Brismée
Avec Erika Blanc, Jean Servais, Daniel Emilfork, Jacques Monseu, Ivana Novak, Lorenzo Terzon, Colette Emmanuelle, Christian Maillet, Lucien Raimbourg
THEMA DIABLE ET DÉMONS
Cofondateur de l’école de cinéma belge INSAS en 1962, Jean Brismée est d’abord connu pour les documentaires qu’il réalise avec son ami André Delvaux. Au service du diable marque son passage à la fiction ainsi que son affirmation d’un certain amour du film de genre. Brismée se laisse séduire par le scénario de Patrice Rohmm, qu’il réadapte un peu à sa sensibilité en imaginant un long-métrage à la portée internationale. De fait, cette incursion dans l’horreur teintée d’érotisme est une coproduction entre la Belgique et l’Italie, connue sous de nombreux titres, de The Devil’s Nightmare à La Plus longue nuit du diable en passant par Le Château du vice ou La Nuit des pétrifiées. Pour rassurer les producteurs, un peu nerveux à l’idée de confier le film à un réalisateur n’ayant encore jamais dirigé de long-métrage de fiction, le vétéran André Hunebelle (Le Bossu, 0SS 117 se déchaîne, Fantomas) est sollicité – et crédité – en tant que conseiller technique. En réalité, sa présence sur le plateau se limite à une journée, le temps de s’assurer que Brismée sait ce qu’il fait. Le cinéaste belge se débrouille en effet du mieux qu’il peut, avec à sa disposition un budget ramené à sa plus simple expression. Pour compenser ces moyens anémiques, le film bénéficie d’atouts visuels de poids, notamment l’impressionnant château d’Antoing que déniche le producteur Charles Lecoq et dans lequel se déroule la majorité de l’intrigue.
Le prologue en noir et blanc se situe à Berlin en 1945. Au beau milieu d’images d’archives de bombardements, nous découvrons le visage aux traits tirés du baron von Rhoneberg (Jean Servais), un général allemand qui assiste à l’accouchement de sa femme. Mais celle-ci meurt en couches. En apprenant que son enfant est une fille, le baron s’empare d’une dague et la poignarde ! Voilà une entrée en matière pour le moins surprenante. L’image passe en couleurs et le décor change, le temps de nous présenter six touristes et leur chauffeur dans un minibus, égarés dans une forêt dont l’accès est barré, guidés par un homme étrange (Daniel Emilfork) qui leur indique un château où ils pourront passer la nuit. Le maître des lieux n’est autre que le baron von Rhoneberg, qui leur raconte une légende ancestrale selon laquelle toutes les filles aînées de sa famille seraient des succubes, autrement dit des créatures femelles tentatrices attirant les gens dans leurs filets. Or voilà que débarque parmi les sept visiteurs une mystérieuse jeune femme (Erika Blanc) qui va faire prendre à la nuit une tournure très inattendue…
Les démons de la nuit
La présence envoutante d’Erika Blanc est l’un des éléments les plus mémorables d’Au service du diable. Sertie dans un déshabillé noir affriolant, la comédienne italienne promène sa silhouette dans les couloirs de ce château hérité des films gothiques de la décennie précédente et révèle les failles de chacun des visiteurs. La grande force du scénario est en effet de décliner les sept péchés capitaux à travers ces touristes qui démontrent tour à tour leur avarice, leur orgueil, leur luxure, leur envie, leur gourmandise, leur colère et leur paresse… et qui périront par là où ils ont pêché. À la prestation remarquable d’Erika Blanc s’ajoute le travail du maquilleur Duilio Giustini qui la transforme régulièrement en succube au visage blafard, ôtant à son visage son caractère charnel et avenant pour en durcir les traits. La première fois qu’apparaît ce grimage habile, c’est au cours d’une étonnante transformation en direct face à la caméra. L’effet est réalisé image par image, un véritable exploit qui combine la minutie du maquilleur et la patience infinie de la comédienne. Parmi les autres morceaux de bravoure d’Au service du diable, il faut citer cette étonnante séquence au cours de laquelle Shirley Corrigan cohabite de très près avec un immense python. Et puis il y a bien sûr la présence inoubliable de Daniel Emilfork dont le physique acéré se prête parfaitement à une incarnation crédible du Malin, même si ses rapports avec le réalisateurs semblent avoir été particulièrement orageux pendant le tournage. Jugeant que le film ne contient pas assez d’éléments érotiques, les producteurs décident de tourner une séquence additionnelle sans consulter Jean Brismée, au cours de laquelle les personnages de Corinne (Ivana Novak) et Régine (Shirley Corrigan) s’accouplent longuement et lascivement, aux accents de la musique langoureuse d’Alessandro Alessandroni. Au service du diable ne connaîtra pas le succès escompté malgré a distribution internationale, mais deviendra plus tard une œuvre culte aux yeux de nombreux amateurs du genre.
© Gilles Penso
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