BUNNY LAKE A DISPARU (1965)

Otto Preminger concocte une enquête policière insolite qui bascule progressivement dans le cauchemar…

BUNNY LAKE IS MISSING

 

1965 – GB

 

Réalisé par Otto Preminger

 

Avec Laurence Olivier, Carol Lynley, Keir Dullea, Martita Hunt, Anna Massey, Clive Revill, Lucie Mannheim, Finlay Currie

 

THEMA ENFANTS

Adapté du roman homonyme écrit par Evelyn Piper, Bunny Lake a disparu s’ouvre sur un générique de Saul Bass assez troublant dans la mesure où la musique de Paul Glass, plutôt enjouée, accompagne le gros plan d’une main déchirant l’écran pour laisser apparaître la liste des noms et le titre. Puis nous faisons connaissance avec l’Américaine Ann Lake (Carol Lynley), qui inscrit sa petite fille de quatre ans Bunny dans une école maternelle en Angleterre. Lorsqu’elle revient la chercher, l’enfant n’est pas là, et personne ne l’a vue ou n’a entendu parler d’elle. Avec son frère (Keir Dullea), elle commence à enquêter et s’inquiète rapidement. L’inspecteur Newhouse (Laurence Olivier), chargé de l’affaire, épuise une à une toutes les possibilités, et finit par douter de l’existence même de Bunny. D’autant que, aux dires du frère, la jeune maman jouait, dans son enfance, avec une amie imaginaire qu’elle avait baptisée Bunny. Pour prouver ses dires, Ann va donc tenter par tous les moyens de retrouver des objets ayant appartenu à Bunny ou des témoins l’ayant vue. Mais tout ce qui concerne la fillette a été subtilisé, et personne ne se souvient d’elle.

Bâti à priori sur le même schéma narratif que le fameux Une femme disparaît d’Alfred Hitchcock, le scénario de Bunny Lake a disparu s’amorce lui aussi de manière fort anodine. Le récit s’achemine vers l’enquête policière, puis se mue progressivement en thriller psychologique assez trouble avant de basculer au moment du final dans l’angoisse pure. Preminger se plaît à entourer les héros de personnages insolites et plutôt inquiétants, comme cette vieille femme au dernier étage de l’école (Martita Hunt) qui étudie avec une étrange délectation les cauchemars que des enfants racontent sur la bande d’un magnétophone, ou ce propriétaire envahissant (Noel Coward) qui collectionne les objets liés au marquis de Sade et demande à la police de le frapper ! Ces éléments, ainsi que le ton général du film, évoquent les premiers films d’épouvante de Roman Polanski (Répulsion, Rosemary’s Baby, Le Locataire).

Horreur psychologique

La photographie noir et blanc signée Denys Coop sied à merveille à l’atmosphère trouble du film, le cinéaste n’hésitant pas à déformer le visage de ses comédiens via des gros plans en courte focale partiellement plongés dans la pénombre, ou à utiliser des caméras portées façon reportage pour déstabiliser quelque peu le spectateur. En revanche, on s’étonne que Preminger nous assène autant de larges extraits des chansons des Zombies, vus sur l’écran de télévision d’un bar où Ann Lake se morfond d’inquiétude. Certes, le contraste entre la musique pop guillerette et l’état psychologique de l’héroïne est intéressant, mais le rythme du film en pâtit pendant un moment. Laurence Olivier excelle ici en inspecteur de police posé et rationnel, seul personnage auquel le spectateur peut pleinement s’identifier, dans la mesure où lui aussi essaie de comprendre, jusqu’à se demander si Bunny Lake existe réellement. La clef de l’énigme apparaît dans un dénouement fort éprouvant qui se rapproche presque de celui Psychose en matière d’horreur psychologique et de révélation vertigineuse.

 

© Gilles Penso

 

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