John Carpenter fusionne ses deux genres favoris, le western et le film d’horreur, pour réinventer le mythe des suceurs de sang…
VAMPIRES
1998 – USA
Réalisé par John Carpenter
Avec James Woods, Thomas Ian Griffith, Daniel Baldwin, Sheryl Lee, Tim Guinee, Maximillian Schell, Mark Boone Junior, Gregory Sierra
THEMA VAMPIRES I SAGA JOHN CARPENTER
En 1992, le studio Largo Entertainment achète les droits d’adaptation du roman « Vampires » de John Steakley. Dans un premier temps, l’idée est de confier la réalisation du film à Russell Mulcahy et le rôle principal à Dolph Lundgren. Mais le réalisateur d’Highlander et la star des Maîtres de l’univers ne s’entendent pas avec la production et quittent le projet pour partir tourner ensemble le film d’action Assassin Warrior. Appelé à la rescousse, John Carpenter hésite. Son long-métrage précédent, Los Angeles 2013, vient de subir une violente déculottée critique et publique, lui ôtant presque l’envie de continuer le métier de cinéaste. Il se ravise cependant en lisant le roman de John Steakley et les scénarios que le studio a fait rédiger. Carpenter y voit l’occasion d’aborder pour la première fois le mythe du vampirisme tout en bâtissant une atmosphère de western dans l’esprit de La Horde sauvage ou de La Rivière rouge. Le revoilà donc en selle, avec un casting qui lui semble parfaitement approprié : James Wood sera un anti-héros aussi hargneux et violent que les monstres qu’il combat, Daniel Baldwin hérite du rôle de son co-équipier après le désistement de son frère Alec. Quant à Sheryl Lee, le réalisateur la choisit après avoir apprécié sa performance dans Twin Peaks. Tout commence sous les meilleurs auspices, mais le budget est subitement revu à la baisse. Des soixante millions de dollars initialement prévus, Largo Entertainment ne peut finalement en allouer que vingt au film. Il faut donc revoir d’urgence le scénario et trouver des raccourcis de dernière minute. Ça se sentira fatalement dans le résultat final.
Élevé par l’église catholique après le massacre de ses parents par des vampires, Jack Crow (Woods) est devenu un chasseur impitoyable. À la tête d’un commando de mercenaires armés jusqu’aux dents, il traque les suceurs de sang, repère leurs « nids », les massacre un par un et met hors d’état de nuire chaque « Maître », autrement dit les chefs de meute de ces monstres noctambules. Après une chasse particulièrement fructueuse, toute son équipe festoie au Sun-God Motel, remerciée par la police et l’église. Mais Crow n’est pas totalement satisfait : ils n’ont pas réussi à mettre la main sur leur maître Valek (Thomas Ian Griffith). Où est-il ? La réponse ne tarde pas : le redoutable vampire les rejoint au motel et massacre tout le monde. Crow a tout juste le temps de s’échapper avec son co-équipier Tony (Baldwin) et avec Katrina (Sheryl Lee), une prostituée qui a été mordue par Valek. Le lien psychique établi entre cette dernière et le prédateur assoiffé de sang pourrait permettre de retrouver sa trace. Mais Valek reste insaisissable, mû par un désir que rien ne semble pouvoir arrêter : mettre la main sur une ancienne relique, la « Croix de Berziers », qui lui permettrait de perpétuer ses méfaits à la lumière du jour…
Les vampires du désert
Les décors naturels du Nouveau Mexique où se tourne le film pendant l’été 1997 sont le cadre idéal du western horrifique que Carpenter a en tête. Cette vieille prison dans le village abandonné où se déroule le climax de Vampires semble d’ailleurs échappée de Rio Bravo. Le film reprend donc les codes des classiques d’Howard Hawks et John Ford, tout en empruntant une mécanique de road movie. D’où cette musique teintée de blues et de rock. La bride sur le cou, le réalisateur se lâche sur les séquences horrifiques en s’appuyant sur les effets gore de l’atelier KNB. Les monstres s’enflamment et explosent, leurs victimes sont éventrées, décapitées ou carrément déchirées de part en part, le tout dans de belles gerbes de sang. Effrayée, la censure exigera d’ailleurs quelques coupes pour éviter au film une interdiction aux moins de 17 ans. Carpenter s’offre aussi quelques belles séquences iconiques, comme le surgissement de Valek et de sa horde sauvage émergeant de la terre sableuse du désert alors que le soleil se couche. James Wood crève l’écran avec un charisme indiscutable, même si le film développe un culte un peu caricatural de l’ultra-virilité qui s’assortit de pointes misogynes embarrassante (le sort réservé au personnage de Sheryl Lee est à ce titre édifiant). Les coupes budgétaires imposées juste avant le tournage sont surtout perceptibles dans plusieurs scènes de combat qui sont expédiées à la va-vite en se camouflant derrière des séries de fondus enchaînés elliptiques. Ces contraintes n’empêchent pas Carpenter de garder un très bon souvenir du tournage de Vampires, son dernier grand succès cinématographique. Deux séquelles directement destinées au marché vidéo suivront : Vampires II – Adieu vampires de Tommy Lee Wallace (2002) et Vampires 3 : la dernière éclipse du soleil de Marty Weiss (2005).
© Gilles Penso
Complétez votre collection
Partagez cet article