Chris Rock et Samuel L. Jackson tiennent la vedette de cette neuvième variante autour de la sanglante saga Saw
La force motrice de ce neuvième Saw est le comédien Chris Rock, désireux de dynamiser sa carrière grâce au genre horrifique tout en proposant d’y intégrer la mécanique du « buddy movie » policier, avec ce que cette influence suppose de scènes d’action et de touches d’humour. La compagnie de production Lionsgate se laisse séduire par cette approche lui ouvrant la possibilité d’atteindre un public plus large. Alors que Rock se voit offrir le rôle principal ainsi qu’un poste de producteur exécutif, les frères Spierig, signataires de Jigsaw, ne participent pas à l’aventure. Leur opus était initialement conçu comme un moyen de redémarrer la franchise, mais il aura finalement joué le rôle de point final de la saga telle que nous la connaissions avant sa réinvention voulue par Spirale (dont le titre de travail fut longtemps « The Organ Donor », autrement dit « Le Donneur d’organe » !). Du coup, ni Tobin Bell ni aucun autre membre du casting des films précédents ne sont sollicités. En revanche, Darren Lynn Bousman, réalisateur de trois épisodes de la saga, rempile derrière la caméra. D’autres noms familiers de l’univers de Saw sont présents à la production (y compris les pionniers James Wan et Leigh Whannell) et au scénario (Pete Goldfinger et Josh Stolberg, qui écrivirent justement Jigsaw). Pour le reste, on cherche manifestement du sang neuf. Spirale n’est ni un reboot ni tout à fait une séquelle, plutôt une sorte de spin-off dans lequel un nouveau copycat prend la relève du redoutable John Kramer.
Tout commence par un feu d’artifice qui semble vouloir dire au public : « cette fois-ci, nous visons plus grand et plus spectaculaire que dans les films précédents ». Nous sommes au beau milieu des festivités du 4 juillet. Un policier qui n’est pas en service prend en chasse un voleur jusque dans les sous-sols où s’évacuent les eaux usées et se retrouve prisonnier dans un piège mortel. Refrain connu, une bande vidéo lui annonce les règles du jeu : pour échapper à une mort violente et imminente, il doit accepter de s’automutiler. Après cette scène d’introduction qui accumule tous les tics de mise en scène chers à Bousman (effets d’accéléré pour accentuer l’impact de la torture, déflagrations sonores, montage énervé), Spirale tente d’« ouvrir ses chakras » en basculant dans la comédie policière (n’oublions pas que Chris Rock jouait la mouche du coche dans L’Arme fatale 4 et figurait même dans Le Flic de Beverly Hills 2). Le comédien ne réfrène donc aucun excès (accent afro-américain poussé à l’extrême, mimiques et grimaces outrancières) dans le rôle du policier nerveux à qui on impose une jeune recrue candide qui n’échappe pas non plus aux clichés d’usage (Max Minghella, qu’on avait notamment vu dans Horns). Samuel L. Jackson lui-même, dans le rôle du père du héros, truffe ses dialogues de « motherfucker » et d’allusions à son personnage de Pulp Fiction. Dès lors, Spirale s’adonne à un délicat exercice de grand écart entre deux genres ultra-codifiés qui ne vont pas forcément très bien ensemble.
Le sang des Ripoux
Sur un rythme savamment minuté, Darren Lynn Bousman alterne ainsi les séquences de torture généreuses en effets gore et l’enquête policière tournée avec des filtres « sunset » qui semblent échappés d’un film de Michael Bay. Il faut bien avouer que cette approche inattendue – et plutôt osée – ravive un peu l’intérêt d’une franchise qui s’empêtrait très tôt dans la routine. À l’avenant, les motivations du tueur, désireux de punir des flics ripoux soumis à des tortures symbolisant les actes de corruption dont ils sont accusés, prennent une nouvelle dimension et permettent de circonscrire l’intrigue dans les rangs des collègues de notre héros. Pour être honnête, il faut toutefois avouer que Spirale ne fait jamais vraiment peur. À peine parvient-il à faire sursauter ses spectateurs chaque fois que l’assassin se jette sur une de ses victimes, tout en jouant avec l’effet de répulsion inhérent aux mécanismes diaboliques élaborés par le nouvel émule de Jigsaw. La mécanique est donc huilée mais un peu répétitive. Et malheureusement, la grande révélation finale n’est pas si surprenante. Car ceux qui auront été suffisamment attentifs dès le début du film la sentiront venir grosse comme une maison. Malgré tout, la mission est accomplie : relancer une franchise en perte de vitesse et attirer un public plus large, prélude à une série prévisible de nouvelles séquelles.
© Gilles Penso
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