Jean-Marie Poiré et Christian Clavier tentent de réitérer le succès inespéré des Visiteurs… En vain hélas !
LES ANGES GARDIENS
1995 – FRANCE
Réalisé par Jean-Marie Poiré
Avec Christian Clavier, Gérard Depardieu, Eva Grimaldi, Yves Rénier, Frankie Chin, Alexandre Eskimo, Laurent Gendron, Eva Herzigova
Le colossal succès des Visiteurs n’avait pas été le fruit d’un miracle mais la concrétisation d’un concept malin : un voyage dans le temps reposant sur un double comique de situation, autrement dit le décalage temporel et l’association de personnages antithétiques. Persuadés que les mêmes causes produisent les mêmes effets, Jean-Marie Poiré et Christian Clavier tentent de recycler tous les ingrédients qui, à leur sens, avaient contribué à la réussite de leur vaudeville médiéval : Clavier qui gesticule en ressassant des expressions imagées à répétition (« c’est la cata ! » remplace « c’est okay ! »), un grand gaillard qui s’oppose à lui (Gérard Depardieu à la place de Jean Réno), un jeu sur les doubles (les anges supplantent les descendants), un peu de tôle froissée… Pour parachever cette politique du patchwork et de la surenchère, Poiré intègre des séquences d’action et de cascades à Hong Kong – l’Occident est alors en pleine découverte des folles exubérances du cinéma asiatique – mais aussi quelques chorégraphies déshabillées dans un cabaret, ce qui ne peut pas faire de mal. Résultat : le film est pesant et très rarement drôle, d’autant que l’apparition des anges gardiens, censée relancer l’intérêt du récit, s’avère parfaitement inutile au bon déroulement de l’intrigue.
Que raconte-t-il, au juste, ce film au budget colossal de plus de 16 millions d’euros ? Les mésaventures d’Antoine Carco (Depardieu), un ancien malfrat, propriétaire d’une boîte de nuit parisienne, qui s’envole pour Hong Kong afin de sauver le jeune fils d’un ami assassiné par la mafia chinoise, et de récupérer au passage 15 millions de dollars en bons du trésor. Sur place, il confie le garçon au père Hervé Tarain (Clavier), un prêtre bien sous tous rapports. Le choc entre ces deux personnalités que tout oppose se décuple lorsque Carco et Tarain voient apparaître leurs anges gardiens respectifs, chacun exprimant un caractère contraire à celui de l’humain qu’il accompagne. Le prêtre est donc suivi par un diablotin et le voyou par un bon garçon, fidèles à l’imagerie des petits diables et des petits anges récurrents dans l’univers du cartoon.
Bonne et mauvaise conscience
Contrairement aux Visiteurs, l’utilisation d’un argument fantastique et le déploiement de trucages numériques n’est ici qu’une concession manifeste aux effets de mode du moment, d’autant que les délires cartoonesques de The Mask viennent alors de remporter un grand succès. Ce sont aussi d’évidents caches misère supposés masquer les déficiences d’un récit en perte de vitesse. « Nous avons un peu piétiné dans ce scénario », nous avoue Jean-Marie Poiré. « Nous n’arrivions pas à augmenter la tension au-delà de la première heure. Alors que nous étions sur le point d’abandonner, je me suis souvenu de l’expérience que j’avais eue avec les images numériques des Visiteurs. En pensant à la voix de Dieu interprétée par Pierre Fresnay dans Don Camillo, j’ai songé à faire apparaître la conscience des personnages sous forme d’anges gardiens à leur image. » (1) A cette « surcouche » artificielle s’ajoute un surdécoupage outrancier. Pour 107 minutes de métrage, on compte 3510 plans, soit une moyenne de moins de deux secondes par plan ! Les changements d’axes se succèdent donc à une allure démente en pleines conversations et la bande son hurle au moindre crissement de pneu. Au lieu du rythme survolté escompté, c’est la migraine assurée pour le spectateur. Mais où diable est passé le Jean-Marie Poiré qui nous fit tant rire dans Le Père Noël est une ordure et Mes meilleurs copains ?
(1) Propos recueillis par votre serviteur en septembre 1995
© Gilles Penso
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