Joel Schumacher adapte avec grandiloquence le célèbre spectacle musical d’Andrew Lloyd Webber tiré du classique de Gaston Leroux
PHANTOM OF THE OPERA
2004 – USA
Réalisé par Joel Schumacher
Avec Gerard Butler, Emmy Rossum, Patrick Wilson, Murray Melvin, Kevin McNally, Miranda Richardson
THEMA SUPER-VILAINS
En septembre 1986, le célèbre roman « Le Fantôme de l’Opéra » de Gaston Leroux connaît un énorme regain de popularité grâce à Andrew Lloyd Webber, fameux créateur de comédies musicales à qui nous devons des triomphes planétaires tels que Cats, Jesus Christ Superstar ou Evita. Sur un livret de Charles Hart, il met ainsi en musique la légende d’Erik le Fantôme et donne naissance à un véritable phénomène de société. Webber ambitionne dès la fin des années 80 de déplacer son show vers les salles obscures. Trop heureux de cette initiative qui s’annonce fort profitable, le studio Warner laisse alors une totale carte blanche à l’artiste. De nombreux réalisateurs stars sont envisagés, mais Webber a déjà fait son choix. Il opte pour Joel Schumacher, dont il apprécie tout particulièrement Génération perdue, notamment la manière dont le cinéaste y a intégré la musique. En 1989, les deux hommes écrivent le scénario et envisagent de donner la vedette aux deux interprètes principaux de la comédie musicale, Michael Crawford et Sarah Brightman. Le début du tournage est planifié dans les studios Pinewood en juillet 1990, et tout s’annonce pour le mieux. C’est alors que les embuches commencent. La vie personnelle de Webber se complique (il est alors en plein divorce) tandis que la carrière de Schumacher décolle soudain. Le voilà en effet pris par les tournages successifs de Cousins, L’Expérience interdite et Le Choix d’aimer. Le projet est donc sans cesse ajourné et sombre dans « l’enfer du développement ». Warner, qui refuse de lâcher l’affaire, pense à John Travolta ou Antonio Banderas pour tenir le rôle principal. Mais le film continue à traîner dans les tiroirs. Les préparatifs redémarrent enfin en décembre 2002.
Le tournage se déroule entre le 15 septembre 2003 et le 15 janvier 2004, sur huit plateaux des studios Pinewood. La moitié extérieure du Palais Garnier est construite à échelle réelle dans le studio, tandis que les étages supérieurs combinent des images de synthèse et des éléments de décors miniatures. Les effets visuels permettent notamment l’emploi de matte paintings complets pour les panoramas de Paris ou d’une maquette hyperréaliste pour la séquence incontournable de la chute du lustre géant. C’est finalement Emmy Rossum qui hérite du rôle de Christine Daaé, tandis que Patrick Wilson incarne Raoul de Chagny et Minnie Driver la vaniteuse Carlotta. Tous trois ont déjà de l’expérience dans le chant, ce qui n’est pas le cas de Gerard Butler (Dracula 2001), choisi pour incarner le Fantôme, et donc soumis à de nombreuses leçons de vocalises avant que le tournage ne commence. Pour les besoins du film, Webber compose quinze minutes de musique originale supplémentaire, que Schumacher intègre dans son montage. À l’époque, le grand public ne sait pas trop quoi attendre du film. En effet, malgré les indiscutables réussites que sont L’Expérience interdite ou Chute libre, Schumacher a fait preuve entretemps de goûts artistiques fort discutables en réadaptant à la sauce gay-disco les aventures de Batman et Robin, provoquant l’ire de bon nombre de fans se jugeant trahis.
Un sous-Starmania anachronique
Comme on pouvait le craindre, le réalisateur de 8 millimètres et Phone Games, sans doute bridé dans son élan par l’omniprésence de Webber, à la fois coscénariste et producteur du film, semble ici bien incapable de s’emparer correctement du sujet. Les codes artistiques d’une comédie musicale live et d’un spectacle cinématographique sont fort différents, et en trop voulant conformer les deux, ce Fantôme de l’Opéra cru 2004 échoue sur de nombreux fronts. Son casting s’avère assez fade, ses dialogues puérils, ses chansons trop omniprésentes et son orchestration mi-classique mi-synthétique digne des exactions orchestrales du Rondo Veneziano. Du coup, Le Fantôme de l’Opéra élégant et raffiné que tout un chacun était en droit d’espérer se mue en sous-Starmania anachronique et désarmant de maladresses. Les flash-forwards en noir et blanc situés en 1910 et les flash-backs colorés qui relatent quelques événements passés des protagonistes ne viennent jamais réfréner ce sentiment de ratage. Le caractère fantastique lui-même, moteur de ce récit maintes fois adapté, s’efface grandement derrière la romance guimauve, le Fantôme arborant le visage trop impassible de Gerard Butler et ne cachant qu’une timide monstruosité derrière un quart de masque blanc presque honteux. Car enfin, comment se sensibiliser à cette amourette de supermarché liant des deux côtés du miroir d’une loge une jeune fille béate et un fantôme inexpressif s’interpellant mutuellement et inlassablement au doux nom d’« ange de la musique », le tout aux accents d’un opéra-rock qui semble parodier les tubes de Queen ? Les critiques sont à l’époque très sévères. Si la majorité s’accorde à saluer les qualités visuelles du film, sa réalisation et son écriture déçoivent, ce qui ne l’empêche pas de rapporter plus de 150 millions de dollars dans le monde.
© Gilles Penso
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