Shrek ayant dynamité en 2001 les codes du conte de fées traditionnel avec un succès inespéré, les studios Disney décident de s’engouffrer dans la brèche. Cependant, pour éviter de scier la branche sur laquelle elle est assise, la compagnie aux grandes oreilles ne verse pas dans le même cynisme parodique que Dreamworks. Elle opte pour un juste milieu, autrement dit une comédie romantique jouant sur le décalage, via un concept simple mais très efficace : que se passerait-il si la princesse d’un conte de fées se trouvait propulsée dans le monde réel ? Les dix premières minutes d’Il était une fois sont donc un dessin animé qui semble concentrer tous les clichés du conte disneyen. Promise à un courageux prince charmant qui capture des Trolls comme on prend son petit-déjeuner, la belle Giselle est un modèle d’innocence qui communique avec les animaux de la forêt en chantant. Hélas, sa future belle-mère est une reine cruelle qui craint de la voir quérir son trône. Pour éviter pareille déconvenue, la détestable marâtre la précipite dans un puits qui donne sur un monde parallèle, le nôtre. Voilà donc notre guillerette princesse de dessin animé muée en être humain en chair et en os au beau milieu de la jungle urbaine de New York. Aussi peu à l’aise en pareil contexte qu’un poisson hors de l’eau, Giselle fait la connaissance d’un séduisant avocat spécialiste du divorce, et divorcé lui-même. Une idylle s’installe tranquillement entre eux, mais un amour de conte de fées peut-il survivre dans le monde réel ? Et qu’en est-il du prince charmant, qui décide à son tour de faire le grand saut pour sauver sa belle ?
Capitalisant sur ses acquis, Disney réquisitionne le réalisateur Kevin Lima (Tarzan, Les 102 dalmatiens), le compositeur Alan Menken (La Petite sirène, La Belle et la Bête, Aladdin) et le parolier Stephen Schwartz (Pocahontas, Le Bossu de Notre Dame). Le film oscille donc entre le conte gentillet, la comédie musicale et le pastiche pur et dur. Et il faut reconnaître que la mayonnaise prend plutôt bien. Amy Adams et James Mardsen excellent dans le rôle des héros naïfs et candides, Patrick Dempsey est idéal en amoureux transi (exercice auquel la série Grey’s Anatomy l’a rompu), Susan Sarandon prend un plaisir manifeste à incarner la vile sorcière, et plusieurs situations sont franchement drôles.
Un dragon qui se prend pour King Kong
Quant aux effets spéciaux, ils visualisent les transitions entre les deux univers et donnent vie, au cours du climax, à un gigantesque dragon escaladant les buildings de Manhattan en parfait émule de King Kong (sous la supervision de Phil Tippett). Si ce n’est que cette fois, le monstre emporte dans sa patte non pas la jeune fille effarouchée mais son prétendant. Rien de plus normal, puisque le dragon est une dragonne, reprenant avec panache le motif du final de La Belle au bois dormant, le reste du film clignant régulièrement de l’œil vers Blanche Neige et les sept nains (la reine cruelle qui se mue en vieille mégère, la pomme empoisonnée, les animaux qui nettoient la maison) et Cendrillon (la chaussure abandonnée à la fin du bal). L’exercice du film familial est donc réussi, Il était une fois réunissant sans heurts les goûts des tout petits et les exigences de leurs parents.
© Gilles Penso
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