Dans ce troisième volet de la franchise Conjuring, les époux Warren doivent prouver face à un tribunal l’existence d’une possession démoniaque…
THE CONJURING : THE DEVIL MADE ME DO IT
2021 – USA
Réalisé par Michael Chaves
Avec Patrick Wilson, Vera Farmiga, Sterling Jerins, Ruairi O’Connor, Sarah Catherine Hook, Charlene Amoia, Julian Hilliard
THEMA DIABLE ET DÉMONS I SAGA CONJURING
C’était à prévoir : James Wan, instigateur de la saga Conjuring et réalisateur des deux premiers épisodes, a tellement le vent en poupe qu’il se voit contraint de céder la mise en scène du troisième opus pour pouvoir se consacrer à d’autres projets (notamment le thriller horrifique Malignant, la série TV Archive 81 et la suite d’Aquaman). C’est donc Michael Chaves qui lui succède. Ce dernier ne nous avait qu’à moitié convaincus avec La Malédiction de la Dame Blanche, mais Wan lui fait confiance, partage avec lui de nombreux goûts cinématographiques (tous deux adulent le Seven de David Fincher) et pense qu’il saura assurer la continuité en respectant la ligne artistique établie par les films précédents. Ce troisième volet consacré aux enquêtes paranormales de Lorraine et Ed Warren (qui se positionne aussi comme le huitième épisode du « Conjuring cinematic universe ») cherche malgré tout à casser une certaine routine. Pour éviter le sentiment de déjà vu, le motif de la maison hantée est d’emblée écarté. D’autre part, Wan et Chaves souhaitent se concentrer davantage sur les pouvoirs médiumniques de Lorraine Warren, sollicités pour faire avancer une enquête policière complexe. En ce sens, Conjuring : sous l’emprise du diable se rapproche de la mécanique du Dead Zone de David Cronenberg. Le scénario s’inspire cette fois-ci du procès réel d’Arne Cheyenne Johnson, qui se déroula en 1981 dans le Connecticut et qui avait déjà inspiré en 1983 le téléfilm Le Procès du démon.
Tout commence par une séquence de possession éprouvante qui rend un hommage direct à L’Exorciste (avec la reprise du plan iconique de la silhouette du prêtre se découpant devant la grande bâtisse, chapeau sur la tête et mallette à la main). En dix minutes, le prologue de ce troisième Conjuring nous offre une sorte de condensé du classique de William Friedkin. Le petit David Galtzel (Julian Hilliard) est libéré de l’emprise diabolique qui le possédait, mais le démon s’est désormais logé dans l’esprit du petit ami de sa sœur, le jeune Arne Johnson (Ruairi O’Connor). Celui-ci, victime d’hallucinations de plus en plus terrifiantes, adopte un comportement étrange et assassine l’un de ses amis avant de redevenir lui-même. Condamné à mort, il n’a qu’une seule chance de s’en sortir : plaider la possession diabolique. Mais un tel argument a-t-il un poids quelconque dans un tribunal ? « La cour accepte l’existence de Dieu chaque fois qu’un témoin jure de dire la vérité », déclare Ed Warren au juge en charge de cette affaire. « Je pense qu’il est temps qu’ils acceptent l’existence du diable. » Or seuls les époux Warren semblent susceptibles de dénouer cette situation épineuse…
Les avocats du diable
La structure de Conjuring 3 diffère donc de celle des deux précédents. Au lieu d’être une entame narrative plantant le décor sans présenter de lien direct avec le reste de l’intrigue, le pré-générique est ici le point de départ du récit tout entier, à partir duquel l’enquête des Warren repart à rebours au bout de trente minutes de métrage pour élucider le mystère d’une double possession. L’enjeu dramatique est fascinant : pour sauver la vie d’un condamné, ils doivent prouver l’existence d’un démon. Si Michael Chaves n’a pas la finesse de James Wan, il se tire tout de même de cet exercice périlleux avec les honneurs, respectant du mieux qu’il peut le style de son prédécesseur et surtout sa gestion de la peur. L’attente, le silence et le hors-champ sont donc beaucoup plus sollicités que les effets démonstratifs, même si le réalisateur ne peut s’empêcher de ponctuer le film de « jump-scares » artificiels (c’était justement l’un des travers de La Malédiction de la Dame Blanche). Quelques rebondissements scénaristiques sont un peu durs à avaler et le final aurait mérité une approche plus subtile, mais l’alchimie fonctionne toujours, en grande partie grâce à l’indéboulonnable duo Patrick Wilson/Vera Farmiga – peut-on rêver ghostbusters plus charismatiques ? L’idée d’affaiblir Ed Warren physiquement est d’ailleurs intéressante, car elle crée des obstacles supplémentaires sur la piste des enquêteurs et pousse Lorraine à participer plus activement aux investigations sur le terrain, quitte à se jeter dans la gueule du loup. Conjuring : sous l’emprise du diable s’achève sur un double suspense très efficace qui semble pour sa part cligner de l’œil vers « Shining » (le livre, pas le film) jusqu’à un épilogue qui laisse bien sûr imaginer d’autres aventures possibles. Les affaires traitées par les véritables époux Warren ne manquant pas, la matière pour alimenter de nombreux autres scénarios est encore foisonnante.
© Gilles Penso
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