MUTANT (1982)

De la science-fiction, du gore et des filles nues : le producteur Roger Corman tente le tiercé gagnant pour cette imitation d’Alien décomplexée…

FORBIDDEN WORLD / MUTANT

 

1982 – USA

 

Réalisé par Alan Holzman

 

Avec Jesse Vint, June Chadwick, Dawn Dunlap, Fox Harris, Linden Chiles, Raymond Oliver, Mike Paulin, Michael Bowen

 

THEMA MUTATIONS I FUTUR

Au début des années 80, Roger Corman est dans sa période « spatiale ». Motivé par les succès de La Guerre des étoiles et Alien, il tire tous azimuts. Après Les Mercenaires de l’espace et La Galaxie de la terreur, et juste avant Androïde et Space Raiders, il se lance dans Mutant dont il confie la réalisation à Alan Holzman, monteur familier des productions New World placé pour la première fois sur la chaise du réalisateur. Problème : il n’y a pas encore de scénario et il faut commencer à tourner un prologue. Holzman récupère donc les rushes des Mercenaires de l’espace dont il recycle un certain nombre de séquences d’effets spéciaux pour concevoir une mini-bataille spatiale en début de métrage (assez incompréhensible, il faut bien l’avouer). Pour le reste, il dispose d’un modeste décor de cockpit de vaisseau spatial et des comédiens Jesse Vint et Don Olivera. L’un incarne le fier mercenaire Mike Colby (un énième succédané de Han Solo), l’autre s’engonce dans un costume de robot en plastique et joue l’androïde SAM-104. Entretemps, Tim Curnen s’empare d’une histoire co-écrite par Jim Wynorski et R.J. Robertson pour en tirer le scénario définitif. L’idée de départ (un Lawrence d’Arabie dans l’espace) est rapidement revue à la baisse pour se muer en une nouvelle imitation d’Alien. Et si Wynorski avoue s’être laissé inspirer par L’Attaque des crabes géants pour structurer le récit, on note que de nombreuses composantes du film annoncent The Thing de John Carpenter, qui sera tourné quelques mois après Mutant.

Après la bataille spatiale qui sert d’entrée en matière, nous apprenons que Mike Colby est réquisitionné sur la planète Xarbia pour venir en aide à une équipe de chercheurs. Il pose donc sa soucoupe volante fluorescente au sommet de la station et se retrouve dans des coursives futuristes que le spectateur attentif reconnaîtra sans mal : ce sont celles conçues par James Cameron pour La Galaxie de la terreur, que Corman réutilise tranquillement pour faire des économies. Afin de développer une nouvelle source d’alimentation visant à contrecarrer la faim dans le monde, les scientifiques sur place ont opéré un croisement audacieux entre une bactérie et des cellules humaines. Évidemment, l’expérience tourne mal et le fruit de leurs recherches, baptisé « Sujet 20 », s’échappe en mutant. Semant son chemin de victimes décomposées, la bête passe de l’état de limace visqueuse à celui de mâchoire gigantesque garni de dents acérées, surplombant un corps gélatineux orné de tentacules…

Chair fraîche

Tourné en studio pendant une petite vingtaine de jours, avec quelques extérieurs captés dans le parc naturel californien de Vasquez Rocks, Mutant ne peut pas se contenter de son scénario basique aux répercussions pseudo-scientifiques risibles (avec des dialogues abracadabrants tels que : « il nous transforme en protéine pour nous dévorer ! »). Roger Corman en est bien conscient. Il décide donc de tout miser sur le sexe et l’horreur. D’où le choix de deux comédiennes girondes et pas pudiques pour un sou, Dawn Dunlap et June Chadwick, qui, lorsqu’elles n’essaient pas maladroitement de courir dans les décors en talons hauts, se déshabillent intégralement à la première occasion venue et s’exhibent joyeusement face à la caméra d’Alan Holzman. Côté gore, une belle brochette d’artistes se met à l’œuvre, notamment John Carl Buechler (Re-Animator), Don Olivera (Androïde), Steve Neill (Vampire vous avez dit vampire), Mark Shostrom (Evil Dead 2) et Bart Mixon (Ça). Au-delà des différentes métamorphoses du monstre mutant, cette équipe talentueuse en début de carrière nous offre un certain nombre de visions choc comme un corps décomposé et grimaçant qui remue encore, une victime hurlante au visage à moitié dévoré ou encore l’extraction d’une tumeur sans anesthésie. Visiblement désireux d’apporter lui-même une touche personnelle, le réalisateur/monteur Alan Holzman donne dans l’expérimental le temps d’une poignée de séquences bizarres truffées d’images subliminales qui n’apportent rien mais suscitent la curiosité. Bref, une œuvrette anecdotique dont le directeur de production Aaron Lipstadt passera à son tour à la mise en scène l’année suivante pour les besoins du très sympathique Androïde.

 

© Gilles Penso

 

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