Loin du charme et de la poésie du premier film, cette séquelle réalisée par « l’autre » George Miller accumule beaucoup de maladresses…
L’Histoire sans fin ayant connu un succès planétaire, les producteurs de ce conte à grand spectacle ne pouvaient en rester là. Ils confièrent donc la réalisation d’un second chapitre à George Miller, homonyme australien du créateur de Mad Max. Depuis la mort prématurée de sa mère, Bastien, douze ans, quête en vain l’affection de son père, trop distant et trop occupé pour dialoguer avec lui. Sa fragilité, son caractère solitaire et son manque d’assurance le mettent fréquemment dans des situations humiliantes et lui font redouter les petites épreuves de la vie quotidienne. Pour surmonter ce handicap, l’enfant retourne un jour dans la librairie du vieux monsieur Koreander, où il redécouvre le livre magique qui l’avait entraîné, deux ans auparavant, dans la plus exaltante des aventures : « l’Histoire sans fin ». Mais aujourd’hui, les pages de ce récit enchanteur sont à demi effacées et porteuses de troublantes visions. Le Pays Fantastique dont elles ouvrent les frontières semble atteint d’un mal mystérieux, et sa jeune et douce souveraine implore urgemment l’aide de Bastien. Une redoutable sorcière, Xayide, tient en effet la Petite Impératrice en otage et a entrepris de faire régner l’ordre au royaume de l’imaginaire, en dépeuplant et privant celui-ci de ses ressources naturelles. Appelant à la rescousse le vaillant chasseur Atreyu et le dragon volant Falkor, Bastien entreprend de délivrer la Petite Impératrice.
Le film de Wolfgang Petersen était simplificateur et enfantin, dans la mesure où il schématisait un peu le texte original pour mieux le conformer aux besoins d’un spectacle universel et tout public. Celui de George Miller est simpliste et infantilisant. La différence est de taille. A partir d’un prétexte invraisemblable, Bastien se retrouve dans Fantasia pour une nouvelle aventure dont les éléments sont puisés au hasard dans la seconde partie du pourtant très riche livre de Michael Ende. Depuis la première Histoire sans fin, tout le casting – à l’exception de ce bon vieux Monsieur Koreander incarné par Thomas Hill – a été bouleversé. Sans doute les enfants ont-ils trop grandi au cours des six ans qui séparent les deux films. Mais était-ce une raison pour verser à ce point dans l’archétype et la caricature ? Les trois jeunes héros ont été dépouillé de leur fragilité, de leur charisme et de leurs failles au profit d’une tranquille bonhommie de soap opera. Quant au père de Bastien, il s’est mué en beau gosse charmeur et musclé, amateur de dialogues édifiants, notamment le fameux : « je suis ingénieur, et ce que je vois, je le vois ».
Une suite sans âme
Question créatures, nous découvrons en vrac un Falkor tout ridé, un Mange-Pierre doté d’une progéniture au look très discutable, un homme-oiseau qui semble échappé du Muppet Show et des Gardiens dont le look évoque le mutant des Survivants de l’Infini. Cette ménagerie étrange s’agite dans un récit déséquilibré et un peu puéril indigne de la plume de Michael Ende ou du premier long-métrage de Wolfgang Petersen (parti de son côté plonger avec le sous-marin de Das Boot avant de s’attaquer aux rebondissements du thriller Trouble). Restent de très beaux effets visuels et une intéressante partition de Robert Folk, dont les envolées symphoniques contrastent agréablement avec la pop synthétique que Giorgio Moroder composa six ans plus tôt. Dommage que les ambitions de ce second chapitre n’aillent pas plus loin. Il y avait pourtant beaucoup à faire avec la partie du roman non adaptée par Petersen. L’écrivain détestait déjà cordialement le premier film, qu’il qualifiait de « gigantesque mélodrame kitsch et commercial plein de peluche et de plastique ». Il serait intéressant de connaître son sentiment vis-à-vis de cette séquelle. Hélas, le pire restait encore à venir avec un troisième opus battant tous les records de bêtise.
© Gilles Penso
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