Seul chez lui pour le week-end, un architecte reçoit la visite inattendue de deux jeunes filles qui cherchent un abri et cachent bien leur jeu…
KNOCK KNOCK
2015 – USA / CHILI
Réalisé par Eli Roth
Avec Keanu Reeves, Lorenza Izzo, Ana de Armas, Ignacia Allamand, Dan Baily, Megan Bailt, Aaron Burns, Colleen Camp
THEMA TUEURS
Eli Roth est un homme sous influence. Si Cabin Fever et Green Inferno étaient respectivement inspirés par Evil Dead et Le Dernier monde cannibale, Knock Knock est quant à lui le remake officiel d’un film de Peter S. Traynor passé totalement inaperçu lors de sa sortie en 1977, Death Game (rebaptisé Ça peut vous arriver demain en France). Ce shocker d’un genre très particulier mettait en scène Sondra Locke et Colleen Camp dans le rôle de deux dangereuses psychopathes manipulatrices. Un remake non officiel avait déjà été signé en 1980 par le cinéaste espagnol Manuel Esteba sous le titre Viciosas al desnudo (« Vicieuses et dénudées », tout un programme !). Mais Knock Knock tient à créer un lien plus direct avec son modèle. Du coup, le réalisateur et les deux actrices principales de Death Game participent à la production du film, Colleen Camp acceptant même d’y jouer un rôle secondaire. Avec ses partenaires d’écriture Guillermo Amoedo et Nicolás López, Eli Roth réadapte le concept aux mentalités de 2015 et laisse notamment les réseaux sociaux jouer un rôle important dans le scénario. Le projet entre en production très vite, dès lors que Keanu Reeves donne son accord pour jouer le rôle masculin principal. L’équipe s’installe alors à Santiago du Chili pour le tournage de ce huis-clos oppressant.
La star de Matrix et de John Wick incarne Evan, architecte talentueux et père de famille comblé. Pendant le week-end de la fête des pères, son épouse et ses enfants partent à la plage mais il ne peut se joindre à eux, pris par un travail qu’il doit terminer au plus vite. Tranquillement installé dans sa vaste maison décorée par les œuvres de sa femme sculptrice, Evan se plonge dans ses designs architecturaux en écoutant des vinyles sur sa platine de DJ. La soirée est paisible, la nuit tombe et s’étire. Dehors, un violent orage gronde. Soudain, on cogne à la porte. Lorsqu’Evan ouvre, c’est pour découvrir deux jeunes filles trempées jusqu’aux os, Bel (Ana de Armas) et Genesis (Lorenza Izzo, épouse d’Eli Roth à l’époque du tournage). Perdues, désorientées, elles cherchent des amis et se sont visiblement trompées de quartier. Evan ne peut se résoudre à les laisser dans cet état. Il leur propose donc de venir se sécher et de passer un coup de fil. Mais lorsqu’elles pénètrent chez lui, c’est comme si le loup entrait dans la bergerie. Le cauchemar s’apprête à commencer…
Les diaboliques
C’est avec une cruelle délectation que le cinéaste semble s’amuser à bâtir le cadre de vie paradisiaque de son héros pour mieux le faire voler en éclat au fil d’un récit qui se vit comme une inexorable descente aux enfers. Très inconfortable, bâti autour d’une tension qui monte lentement mais sûrement jusqu’au point de non-retour, Knock Knock (« Toc Toc », le bruit de la porte à laquelle on cogne) s’appuie énormément sur la prestation impressionnante de Keanu Reeves, qui donne beaucoup de sa personne sur un registre passif qu’on ne lui connaissait pas, lui qui joue généralement les héros durs à cuire. Ana de Armas et Lorenza Izzo ne déméritent pas, tour à tour charmantes, détestables et terrifiantes. L’horreur de la situation décrite par le film est avant tout psychologique, même si le sang finit par couler, mais c’est justement la tangibilité des faits décrits qui les rend si inquiétants. « Ça peut vous arriver demain » : le titre français de Death Game n’était pas si mal choisi. Mais si, chez Peter S. Traynor, le comportement des deux furies semblait relever d’un déséquilibre mental aigu rendant imprévisibles chacune de leurs actions, le jeu auquel jouent celles de Knock Knock semble moins immature et primaire. De fait, tout semble préparé, calculé, minuté au millimètre près. Dans les dialogues sentencieux des comédiennes, on devine trop les répliques toutes faites qu’ont écrites pour elles les scénaristes. Cette absence de spontanéité et cette idée de « préméditation » enlève beaucoup d’impact et de crédibilité à leurs actes. Il n’en demeure pas moins que le film sait distiller un malaise vénéneux et croissant jusqu’à son final désespéré et cynique.
© Gilles Penso
Partagez cet article