LES DIX COMMANDEMENTS (1956)

Sous la direction de Cecil B. De Mille, Charlton Heston mène le peuple hébreu hors de la servitude égyptienne vers la terre promise…

THE TEN COMMANDMENTS

 

1956 – USA

 

Réalisé par Cecil B. De Mille

 

Avec Charlton Heston, Yul Brunner, Anne Baxter, Edward G. Robinson, Yvonne de Carlo, Vincent Price, John Derek, John Carradine

 

THEMA DIEU, LES ANGES, LA BIBLE

Le nom de Cecil B. De Mille incarne à lui seul une certaine idée du cinéma hollywoodien que Les Dix commandements cristallise avec sa flopée de stars, un budget pharaonique, une figuration imposante, et bien sûr des décors grandioses et des costumes luxueux. Plusieurs générations ont grandi avec les multiples rediffusions télévisées de ce spectacle familial superlatif, à une époque où la religion avait une place plus prépondérante dans l’éducation. Cecil B. De Mille ne cachait d’ailleurs pas ses intentions prosélytes, lui qui avait déjà porté cette histoire à l’écran en 1923 : « Les gens m’écrivaient du monde entier pour me dire qu’il fallait refaire Les Dix commandements », affirmait-il. « Il était évident que la terrible expérience que le monde venait d’avoir du totalitarisme fasciste et communiste avait fait comprendre à beaucoup que la loi de Dieu est le fondement de la liberté humaine. » (1) Un propos repris dans le prologue introductif du film au cours duquel le réalisateur s’adresse au public comme s’il était devant lui sur scène. Dans la première version, l’exode du peuple hébreu ne durait que 50 minutes sur 2h15, le reste du métrage transposant l’histoire à l’époque contemporaine et narrant la rivalité entre deux frères pour illustrer l’importance des commandements dispensés par le Tout Puissant quelques millénaires plus tôt. De Mille envisagea une approche similaire pour son « auto-remake » mais décida finalement de ne se concentrer sur la partie biblique et la développer.

Petite révision pour ceux qui auraient séché leurs cours de catéchisme ou de Talmud Thora : Les Dix commandements relate donc un épisode de l’Ancien Testament dans lequel un fils d’esclave hébreu, Moïse (Charlton Heston), recueilli et élevé comme le fils du pharaon, découvre ses origines et s’oppose à son frère d’adoption, Ramsès (Yul Brunner), pour affranchir son peuple et le mener vers la terre promise. Cecil B. De Mille et ses scénaristes accouchent évidemment d’une version romancée de l’histoire, la représentation à l’écran de quelques miracles excluant de toutes façons une approche strictement réaliste. En faisant la part belle aux dialogues jusqu’à ses deux dernières bobines plus riches en « action », De Mille confère à son film un côté théâtral, presque shakespearien même lorsqu’il se focalise sur des intrigues de cour et plusieurs arcs narratifs convergents. Confiant en sa dramaturgie et ses (nombreux) acteurs, De Mille n’attire jamais l’attention sur le travail de la caméra, favorisant un point de vue objectif, sans pour autant oublier de mette en valeur le luxe de la production. De nombreux plans sont dignes d’une toile de maître de par leur composition et leur emploi des couleurs. Une ambition artistique bien servie par le procédé d’écran large fraichement inauguré par Paramount : le Vistavision qui, en termes de définition et de format, provoquait à l’époque un choc comparable la découverte de l’IMAX aujourd’hui. L’hyper-sobriété de la réalisation permet donc de ne jamais détourner l’attention des acteurs et de l’histoire, De Mille se mettant humblement au service de celle-ci. Ce qui n’empêche pourtant pas Les Dix commandements de comporter une des séquences spectaculaires les plus emblématiques du 7ème Art : la fameuse traversée de la mer Rouge qui s’ouvre pour laisser passer les Hébreux. Une réussite visuelle que l’on doit au responsable des effets spéciaux de la Paramount, John Fulton, qui avait débuté sa carrière sur L’Homme invisible et La Fiancée de Frankenstein. La scène reprend dans les grandes lignes le découpage déjà établi par De Mille dans la version de 1923, mais l’apport de la couleur et les progrès techniques offrent un résultat qui fonctionne encore à merveille près de 70 ans plus tard.

De Mille en chiffres

Nanti d’un budget de 13 millions de dollars (le plus important de tous les temps en cette année 1956), Les Dix commandements en rapporta 50 lors de sa première exploitation, qui s’acheva en 1960 – oui, 4 ans d’exploitation ! Chose inconcevable aujourd’hui où les plus gros succès au box-office restent rarement au-delà de 3 mois à l’affiche. D’une durée de 3h40, avec rien moins que 12000 figurants et 15000 animaux pour les scènes d’exode tournées dans le désert égyptien, les plus jeunes cinéphiles auront peut-être du mal à imaginer la popularité et l’impact du film en son temps. Ajustées en tenant compte de l’inflation, ses recettes dépasseraient 2 milliards de dollars, le plaçant parmi les plus grands succès commerciaux de tous les temps aux côtés de La Guerre des étoiles, Titanic, Avatar et Avengers : Endgame. Et à ceux qui se disent qu’un film si pieux ne pourrait plus connaitre le même engouement aujourd’hui, rappelons que, malgré leur progressisme social et moral, les films cités ci-dessus intègrent tous d’une façon plus ou moins directe et à différents niveaux une dialectique empruntant à la morale et aux archétypes judéo-chrétiens. Les Dix commandements concourut aux Oscars dans 7 catégories dont « Meilleur Film » mais n’en récolta qu’un pour ses effets spéciaux. Cecil B. De Mille fut très déçu de ne même pas être nommé dans celle du « Meilleur réalisateur ». Âgé de 75 ans, il semblait se douter qu’il s’agissait de sa dernière œuvre et donna tout  pour mener le projet à son terme. Il décéda 3 ans plus tard. Finissons avec une petite anecdote de casting : saviez-vous que bébé Moïse était incarné par Fraser Heston, le fils de Charlton, qui réalisera en 1993 le sympathique Bazaar de l’épouvante d’après Stephen King ? Entre Dieu et le diable, c’est malheureusement chez ce dernier que finira sa carrière après ce petit coup d’éclat !

  

(1) propos tiré de la biographie « Empire of Dreams – The epic Life of Cecil B. De Mille » de Scott Eyman 

 

© Jérôme Muslewski

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