ALICE DE L’AUTRE COTE DU MIROIR (2016)

Dans cette suite du film de Tim Burton, Alice voyage dans le temps pour retrouver la famille du Chapelier Fou…

ALICE THROUGH THE LOOKING GLASS

 

2016 – USA

 

Réalisé par James Bobin

 

Avec Johnny Depp, Mia Wasikowska, Helena Bonham Carter, Anne Hathaway, Sacha Baron Cohen, Matt Lucas, Alan Rickman

 

THEMA CONTES I DRAGONS I VOYAGES DANS LE TEMPS

Alice aux pays des merveilles, réalisé par Tim Burton en 2010, initiait le nouveau « business plan » de Disney, à savoir une entreprise de modernisation (remplacement ?) de tous leurs classiques animés par des versions « live », le but étant de capitaliser sur des titres pouvant séduire un public multigénérationnel. Pressant le citron jusqu’à son dernier zeste, la firme n’hésite d’ailleurs pas proposer des suites de remakes, comme cet Alice de l’autre côté du miroir un film qui en d’autres temps aurait constitué une suite vidéo mais bénéficie ici d’un budget de 170 millions de dollars et d’une sortie estivale comme tout bon blockbuster. Tim Burton, toujours producteur, abandonne toutefois la réalisation à James Bobin, maitre d’œuvre de l’inattendu mais excellent diptyque Les Muppets, le Retour et Opération Muppets en 2011 et 2014, dans lesquels il trouvait un parfait équilibre entre auto-parodie et sincérité. Mais se confronter au cahier des charges et à la pression budgétaire imposés par la franchise Alice était un défi d’une toute autre envergure.

Première difficulté à surmonter : parvenir à rebondir sur la conclusion du film de Burton dans laquelle Alice (Mia Wasikowska) embrassait une carrière de capitaine de navire marchand en partance pour l’Asie ! Plutôt que de rétropédaler et tenter d’évacuer cet embarrassant rebondissement, James Bobin nous plonge dès la première séquence au milieu d’une bataille navale qui ne dépareillerait pas dans Pirates des Caraïbes. Alice s’en retourne ensuite à Londres où, après avoir été confrontée lors d’une soirée mondaine au patriarcat hostile des notables locaux, elle s’enfuit et traverse à nouveau le miroir la menant au pays des merveilles. Là, elle trouve le chapelier fou (Johnny Depp) qui lui demande de l’aider à retrouver sa famille qu’il pensait avoir été tuée par le Jabberwocky. Alice s’en va alors rencontrer le Temps (ici un personnage de chair et d’os interprété par Sasha Baron Cohen) pour lui dérober la chronosphère, une machine qui lui permet de revenir dans le passé pour l’aider à retrouver la famille du chapelier. Elle va y découvrir les secrets intimes de son ami chapelier mais aussi de la Reine de Cœur (Helena Bonham Carter) et de sa sœur la Reine Blanche (Anne Hathaway). Si les personnages ne cessent de rappeler (à juste titre) que l’on ne peut changer le passé mais que l’on peut en tirer des leçons, plus regrettable en revanche est cette volonté de vouloir expliquer la personnalité de chaque personnage par le biais de traumatismes de l’enfance. Non pas que les faits exposés paraissent insensés, mais pourquoi tenter de rationaliser un univers voulu nonsensique à l’origine ? Le scénario de Linda Woolverton (Le Roi lion et La Belle et la Bête versions animées) gagne en revanche des points grâce à l’introduction d’un méchant (le Temps) et d’une quête concrète, là où Alice au pays des merveilles souffrait, comme sa version animée de 1951 d’ailleurs, de son caractère épisodique et farfelu, vidé de la satire sociale (typiquement anglaise) du texte original de Lewis Carroll.

Un miroir aux alouettes

Alice de l’autre côté du miroir se conforme à tous les autres films « live » de Disney des années 2010, de Maléfique au Monde fantastique d’Oz en passant par Le Casse-Noisette. Mais bien que traversé de la même thématique contemporaine dissertant sur l’inclusion des vilains petits canards jadis méchants dans leur récit d’origine respectif, James Bobin semble lorgner vers deux titres qui ont dû le marquer dans son enfance. Étant né en 1972 et vu la déclaration d’amour au travail de Jim Henson que constituaient ses deux films des Muppets, on ne s’étonnera pas de déceler quelques similitudes entre le personnage du Temps et le roi des gobelins incarné par David Bowie dans Labyrinthe ; ou encore une brève scène voyant Alice retenue dans un hôpital psychiatrique renvoyant directement à Oz, un monde extraordinaire. Si les effets spéciaux font la part belle aux images de synthèse chapeautées par Ken Ralston (éminent ex-membre d’ILM), les progrès technologiques offrent néanmoins un rendu beaucoup plus détaillé et « volumineux » que le film de 2010, dont les images (peut-être à cause de la mise en scène de Burton ?) apparaissaient trop souvent comme hyper-stylisées, voire vides. Bien qu’ayant tout du film-épouvantail sur le papier, cette suite se révèle en tout point supérieure à son prédécesseur. Ce qui, bien sûr, ne signifie qu’il s’agisse d’un chef-d’œuvre, loin s’en faut. Mais grâce à un scénario mieux structuré et une réalisation sans temps mort, James Bobin fait preuve de plus d’aisance et de spontanéité que Tim Burton qui semble prisonnier de sa propre image et condamné à livrer des produits désincarnés pour satisfaire les attentes des producteurs.

 

 © Jérôme Muslewski

 

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