Brian de Palma revisite Psychose dans ce thriller horrifique et psychanalytique où l’amour et la mort s’entremêlent étroitement
DRESSED TO KILL
1980 – USA
Réalisé par Brian de Palma
Avec Michael Caine, Angie Dickinson, Nancy Allen, Keith Gordon, Dennis Franz, David Marguiles, Ken Baker, Brandon Maggart, Susanna Clemm
THEMA TUEURS
Par un troublant jeu de miroirs, le prologue de Pulsions semble faire écho à celui de Carrie. Même salle d’eau noyée de buée, même atmosphère moite et sensuelle, même détournement de l’imagerie du cinéma érotique, même ambiance suave distillée par une composition de Pino Donaggio. Il y a tout de même une différence de taille : dans son adaptation de Stephen King, Brian de Palma montrait l’éveil traumatisant d’une adolescente à sa féminité ; ici, il s’attarde sur une quinquagénaire interrogeant sa propre libido à l’aube de la ménopause. Le début et la fin du cycle menstruel relient ainsi ces deux entrées en matière, chacune s’achevant comme il se doit par une effusion de sang. En laissant ces deux séquences se refléter l’une l’autre, le réalisateur semble aussi vouloir scinder en deux parties distinctes son approche du genre fantastique. D’un côté l’épouvante surnaturelle (Phantom of the Paradise, Carrie, Furie), de l’autre l’horreur psychique (Sœurs de sang, Obsession et donc Pulsions). Choisir Angie Dickinson pour jouer ce rôle délicat permet d’opérer un transfert entre la comédienne et son personnage. Celle qui illumina de sa beauté étourdissante des œuvres aussi diverses que Rio Bravo, L’Inconnu de Las Vegas, La Poursuite impitoyable ou Le Point de non-retour saurait-elle encore séduire le public à l’aube des années 80 ? C’est justement la question que se pose Kate Miller, la femme qu’elle interprète, décidant de s’offrir une aventure au hasard de ses pérégrinations pour vérifier si ses charmes agissent encore.
Incroyable morceau de mise en scène dénué du moindre dialogue, la séquence de séduction située dans un lieu choisi justement pour sa glorification de l’image (les galeries du Metropolitan Museum of Art de New York) est un jeu de chat et de souris filmé pendant un quart d’heure mémorable comme une séquence de suspense. L’excitation y côtoie la menace, la griserie se mêle à la peur… et quelques séquences plus tard, l’érotisme cèdera le pas à l’horreur. Le choc que subit le spectateur à mi-parcours du film s’assortit d’un passage de relais. Un rasoir ensanglanté, arme d’un crime très graphique filmé dans un ascenseur rutilant, se retrouve entre les mains d’une prostituée de luxe (Nancy Allen) qui devient soudain le personnage central du film. Comme dans Carrie, le sang est non seulement le révélateur mais aussi le témoin du drame. Dès lors, De Palma multiplie les morceaux de bravoure, recyclant la technique des split-screens qu’il affectionne tant pour les muer en supports de flash-backs furtifs et concoctant une course-poursuite éprouvante dans un métro bondé. Empruntant au thriller et au cinéma d’horreur leurs codes et leurs mécanismes, Pulsions s’affirme comme un film d’exploitation pur et dur, mais drapé dans une mise en forme d’une élégance inouïe.
Dans l'œil du psychopathe
Alors qu’il s’achemine vers un dénouement dantesque et flamboyant, Pulsions finit par révéler en même temps que l’identité du tueur sa nature propre : un remake à peine déguisé de Psychose. Suivant la même voie qu’Obsession, qui calquait son intrigue et ses coups de théâtre sur ceux de Sueurs froides, le treizième long-métrage de Brian de Palma peut se lire comme un nouvel hommage énamouré à Alfred Hitchcock. Tous les moments forts du classique de 1960 sont ainsi détournés et réinventés : l’attachement à un personnage féminin principal qui meurt soudain en cours de métrage de la main d’un psychopathe, le passage de relais à une autre héroïne qui mène l’enquête au péril de sa vie, et enfin la nature d’un l’assassin en pleine crise d’identité sexuelle. Mais plus que ces emprunts tout à fait assumés au maître du suspense, c’est l’imagerie du film et ses thèmes perturbants qui offusquèrent une certaine frange des spectateurs. La censure américaine ne se montra pas tendre avec Pulsions, imposant de nombreuses coupes. Quant aux ligues féministes du pays, elles firent le pied de grue à l’entrée des cinémas pour dissuader le public d’aller voir ce spectacle « honteux ». Ce qui n’empêcha pas Pulsions d’être un grand succès et d’être exploité dans sa version non censurée en Europe.
© Gilles Penso
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