Un petit orphelin s’est lié d’amitié avec un compagnon hors du commun : un dragon invisible et farceur qui va lui attirer bien des ennuis…
En 1957, le studio Disney fait l’acquisition d’une histoire courte de Seton Miller et S.S. Field, « Pete’s Dragon », pour pouvoir l’adapter sous forme d’un téléfilm en deux parties destiné au programme Le Monde merveilleux de Disney. Mais le film ne se fait pas et le projet traîne dans les tiroirs pendant deux décennies. C’est le producteur Jerome Courtland (La Montagne ensorcelée) qui remet la main dessus au milieu des années 70 et pense tenir là un sérieux émule de Mary Poppins et L’Apprentie-sorcière. Un scénario est aussitôt commandé à Malcom Marmorstein (auteur régulier des séries Dark Shadows et Peyton Place). Dans un premier temps, il est question que le dragon du film reste invisible pendant la quasi-totalité du métrage, à l’exception d’une courte scène. Mais un tel principe ne risque-t-il pas d’être lassant pour les jeunes spectateurs ? Motivé par les animateurs du studio, Courtland change son fusil d’épaule et décide de montrer la créature beaucoup plus généreusement, ce qui nécessitera au final plus de vingt minutes d’animation. Reste à trouver un réalisateur de poids. Le choix se porte assez naturellement sur le Britannique Don Chaffey. Non content d’être familier avec l’univers de Mickey (il dirigea quatorze épisodes du Monde merveilleux de Disney), c’est un habitué des effets spéciaux. Ne lui doit-on pas deux des meilleurs films animés par le magicien Ray Harryhausen, Jason et les Argonautes et Un million d’années avant JC ?
Nous sommes en Nouvelle Angleterre au début du 20ème siècle. Peter (Sean Marshall), un orphelin d’une dizaine d’années, vient de quitter les Googans, ses affreux parents adoptifs qui le martyrisaient, et se retrouve seul avec un ami d’un genre particulier : un dragon nommé Elliott qui peut se rendre invisible à volonté. Leur arrivée à Passamaquoddy ne va pas aller sans poser de problèmes car Elliott sème sur sa route une pagaille que l’on a vite fait de mettre sur le compte de Peter ! L’enfant se découvre cependant des alliés : Lampie (Mickey Rooney), le gardien du phare, et sa fille Nora (Helen Reddy), dont le fiancé a disparu en mer… Cette aide s’avèrera précieuse face à l’animosité croissante dont Peter fait l’objet. Non content d’être accusé par les habitants de la ville d’une pénurie soudaine de poissons, le garçon se heurte au docteur Terminus (Jim Dale) qui veut le ramener à ses parents adoptifs et mettre la main sur le dragon pour le couper en morceaux et le revendre à l’industrie pharmaceutique !
Un dragon à la traîne
Le dragon étant l’attraction principale du film, un soin particulier est apporté à sa création et à son incrustation dans les prises de vues réelles, obtenue à l’aide d’un système de fond jaune au sodium que Ray Harryhausen expérimenta lui-même avec succès pour Les Voyages de Gulliver. Loin du design reptilien et agressif habituellement attribué aux cracheurs de feu, Elliott est bedonnant, doté d’un long cou, d’une tête sympathique surplombée par une touffe de cheveux, d’un gros museau, d’oreilles tombantes qui lui donnent un peu les allures d’un gros chien, d’une langue pendante, de toutes petites ailes dans le dos et d’écailles hérissées le long de l’échine. Gourmand et farceur, c’est un personnage immédiatement attachant et ses relations avec Peter ne sont pas sans évoquer celles de Mowgli et Baloo dans Le Livre de la jungle. Le petit garçon lui grimpe en effet sur le ventre, lui donne à manger et chante avec lui (même si les vocalises du dragon se limitent à des « pom pom »). Ses capacités à cracher du feu sont détournées à des fins comiques, comme lorsqu’il fait griller de la nourriture en crachant dessus. Elliott s’avère aussi capable de voler, ce qu’il prouve à la fin du film, quittant Peter pour partir au secours d’un autre enfant en difficulté. Peter et Elliott déborde donc de charme, mais le film est de toute évidence en retard d’une décennie, sa tonalité bon enfant et sa mise en forme « old school » n’étant plus en accord avec les goûts d’un public qui vient de découvrir La Guerre des étoiles. Le charme rétro se mue donc en gaucherie un peu kitsch et le film n’est pas le succès escompté. Don Chaffey aurait volontiers partagé son crédit de réalisateur avec le superviseur de l’animation Don Bluth, mais le studio refuse. Bluth quitte alors Disney et devient metteur en scène de longs-métrages à succès (Brisby et le secret de Nihm, Fievel et le nouveau monde, Le Petit dinosaure et la vallée des merveilles). Quant à son assistant Don Hahn, il magnifiera la technique de mixage de dessin animé et de prises de vues réelles en supervisant dix ans plus tard l’animation de Qui veut la peau de Roger Rabbit ?
© Gilles Penso
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