Dans la foulée de Cannibal Holocaust, Ruggero Deodato filme les exactions d’un psychopathe agressant la petite bourgeoisie italienne
LA CASA SPERDUTA NEL PARCO
1980 – ITALIE
Réalisé par Ruggero Deodato
Avec David Hess, Annie Belle, Christian Borromero, Giovanni Lombardo Radice, Marie Claude Joseph, Gabriele Di Giuio, Brigitte Petronio
THEMA TUEURS
Avec un titre pareil, il n’est pas difficile de comprendre à quel film La Maison au fond du parc se réfère, même si ce choix n’est pas celui du réalisateur Ruggero Deodato, pas spécialement désireux de se laisser inspirer par Wes Craven. « La référence au titre de La Dernière maison sur la gauche était une volonté du producteur, d’autant que nous avons utilisé le même acteur principal, David Hess », nous confirme-t-il. « Mais les deux histoires sont très différentes. Celle de La Maison au fond du parc s’inspire d’un fait réel qui s’est déroulé à Parioli, un quartier très élégant de Rome. Des jeunes issus des quartiers pauvres y ont violé et torturé deux filles de bonne famille. On a beaucoup parlé de cette affaire dans la presse à l’époque, et je l’ai utilisée comme base du scénario du film. » (1) A l’occasion de La Maison au fond du parc, Deodato entend tout de même s’inscrire dans la vogue du survival et du slasher alors à la mode dans le monde entier, tout en se simplifiant la vie par rapport au tournage éprouvant de Cannibal Holocaust. Un décor unique et une poignée de protagonistes se substituent en effet à la jungle hostile, aux figurants et aux bêtes sauvages. D’emblée, Deodato impose un style dérangeant, filmant pendant le prégénérique une scène de viol crue et réaliste dans une voiture, aux accents d’une chanson douce et sirupeuse composée par Riz Ortolani et susurrée par Diana Corsini. « Sweetly » chante la voix enjôleuse, autrement dit « gentiment », en contradiction totale avec ce que montre l’écran.
Deux petits voyous sans envergure, Alex (David Hess) et Ricky (Giovanni Lombardo Radice), qui vivent du trafic de voitures volées, s’invitent dans une petite fête organisée par un jeune couple riche, dans une maison isolée au fond d’un grand parc. Au fil de la soirée, les incidents se multiplient et la tension monte jusqu’à ce qu’Alex finisse par révéler sa nature psychopathe en agressant un à un les invités. Même s’il incarne ouvertement une figure maléfique, Alex (dont le prénom renvoie visiblement à celui du héros d’Orange mécanique) n’est pas le seul être détestable du film. À vrai dire, les « honnêtes gens » qu’il brutalise de plus en plus violemment rivalisent eux-mêmes d’hypocrisie, de veulerie, de cruauté et de perversité. Lorsque la toute jeune Cindy (Brigitte Petronio) pénètre à son tour dans les lieux, elle devient victime des violentes pulsions d’Alex, comme un agneau se jetant sans préavis dans la gueule d’un loup affamé. Armé d’un rasoir, Alex arrache ses vêtements et lui taillade le corps qu’il larde de blessures écarlates, face à une assistance terrifiée qui ne sait comment réagir…
La folie destructrice
Si le tournage de La Maison au fond du parc ne pose pas de difficulté particulière, Ruggero Deodato doit composer avec le caractère très particulier de son acteur principal. « J’ai réalisé ce film immédiatement après Cannibal Holocaust qui n’était pas encore sorti sur les écrans, donc personne ne savait qui j’étais », raconte-t-il. « David Hess, en revanche, était devenu célèbre grâce à La Dernière maison sur la gauche. Nos relations pendant le tournage étaient difficiles à cause de ça. J’avais du mal à m’imposer, et il me semblait trop sûr de lui. Mais ça s’est finalement bien terminé, puisque j’ai travaillé avec lui à cinq reprises par la suite. Nous sommes devenus amis. Pour l’anecdote, sachez d’ailleurs que la fille que son personnage viole dans la voiture au début du film était incarnée par sa propre femme ! » (2) Même s’il semble souvent roue libre face à la direction de Deodato, David Hess est de toute évidence l’atout majeur du film, la folie destructrice irrécupérable de son personnage le muant en monstre aux pulsions imprévisibles qui laisse planer sur l’intégralité du métrage un sentiment de menace permanent. Pur produit d’exploitation jouant avec la violence et l’érotisme comme autant d’ingrédients d’une recette destinée à titiller un public féru du genre, La Maison au fond du parc n’est certes pas un grand film. Mais son climat oppressant, sa sophistication décalée et son caractère impitoyable face à une humanité peu reluisante dont aucun individu ne semble mériter le moindre salut en font résolument une œuvre à part.
(1) et (2) Propos recueillis par votre serviteur en septembre 2016
© Gilles Penso
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