Le film le plus brutal et le plus sanglant de Mario Bava a directement influencé la vogue des slashers américains des années 80
ECOLOGIA DEL DELITTO / REAZIONE A CATENA
1971 – ITALIE
Réalisé par Mario Bava
Avec Claudine Auger, Luigi Pistilli, Claudio Camaso, Anna Maria Rosati, Cristea Avram, Leopoldo Trieste, Laura Betti, Brigitte Skay, Isa Miranda, Paola Montenero
THEMA TUEURS
La genèse de La Baie sanglante est à attribuer en partie au producteur Dino de Laurentiis, désireux de faire se rencontrer deux hommes qui, selon lui, s’entendront à merveille : le réalisateur Mario Bava (dont il a produit Danger Diabolik) et le scénariste Dardano Sacchetti (qui vient d’écrire Le Chat à neuf queues pour Dario Argento). Comme souvent, le mogul a du flair. Bava et Sacchetti sont sur la même longueur d’onde, ce dernier sollicitant son partenaire d’écriture Franco Barbieri pour rédiger la première ébauche d’un film d’horreur jalonné de meurtres brutaux. Mais Barbieri se dispute avec la production et quitte le navire, bientôt suivi par Sacchetti et même par De Laurentiis lui-même qui ne croit plus au projet. Pour ne pas laisser ce film en plan, Mario Bava demande à Giuseppe Zaccariello (Une Hache pour la lune de miel) de reprendre la production. Plusieurs auteurs se passent le relais pour finaliser le scénario, bâti autour de treize assassinats spectaculaires dans un lieu unique. Le budget restreint du film empêche en effet de multiplier les décors. Bava assure donc lui-même le poste de directeur de la photographie, bricole avec les moyens du bord (une poussette remplace le chariot du travelling, trois arbres à l’avant-plan simulent une forêt) et tourne en un temps record, principalement dans une villa qui appartient à son producteur. Pour autant, il sait que les effets gore doivent requérir une attention particulière dans la mesure où ils sont les points d’orgue du film. Pas encore spécialisé dans les bébêtes animatroniques hollywoodiennes (King Kong, Rencontres du troisième type, E.T., Dune), Carlo Rambaldi est donc sollicité pour les nombreux trucages sanglants qui jalonnent le métrage.
Orchestré comme une sorte de soap opera qui tourne mal, le scénario de La Baie sanglante tourne autour d’un magnifique manoir qui fait plus d’un envieux. Frank Ventura (Chris Avram) et sa maîtresse Laura (Anna Maria Rosati) aimeraient beaucoup en tirer profit en le transformant en lieu touristique. Mais la comtesse Federica Donati (Isa Miranda), propriétaire des lieux clouée sur une chaise roulante, s’oppose à ce projet. Les choses se compliquent – et la tension monte logiquement d’un cran – lorsque le mari de la comtesse, Filippo Donati (Giovanni Nuvoletti), l’agresse puis se retrouve poignardé. Attirés par ce parfum de scandales, deux jeunes couples s’introduisent dans le manoir sans y être invités et commencent à fouiner. À partir de là, le jeu de massacre va vraiment commencer. On le voit, l’intrigue n’est ouvertement que le prétexte à une série de meurtres très graphiques rythmant régulièrement le film. De l’aveu même de Bava et Sacchetti, leur méthode initiale d’écriture consistait d’ailleurs à imaginer d’abord les assassinats, puis à trouver le fil conducteur les reliant l’un à l’autre. D’où un effet inévitablement mécanique et un récit qui, par ailleurs, se traîne un peu pesamment.
Cadavres à la chaîne
La Baie sanglante peut se vanter d’avoir largement inspiré la vogue du slasher en général et la série des Vendredi 13 en particulier, notamment lorsque les quatre teenagers stupides se font massacrer gratuitement : un couple est transpercé par une lance en plein ébat amoureux, une fille qui se baigne nue est égorgée par une serpe, arme qui finira plantée dans la figure du quatrième joyeux drille. Parmi les autres charmantes images du film, citons une décapitation à la hache en gros plan, un éventrement à la lance ou encore le visage d’un cadavre sur lequel se promène un poulpe poisseux. Sans parler de l’insecte encore vivant transpercé d’un clou qui, lui, n’a hélas pas fait l’objet d’un effet spécial (Bava regrettera longtemps d’avoir tourné cette scène). Avec un jeu de décalage assez inattendu, une mélodie très lyrique, à base de piano et de violons, rythme ce catalogue d’atrocités. La raison de ces meurtres en série, à savoir la cupidité exacerbée de la majeure partie des personnages vis à vis de la Baie, aurait pu permettre, parallèlement aux délires gore, le développement d’une savoureuse intrigue policière teintée d’humour noir, une double possibilité que Mario Bava laisse complètement de côté. A vrai dire, seule l’accumulation ludique des assassinats semble l’intéresser. Les réactions souvent illogiques des personnages, leurs dialogues indigents et l’absence d’un protagoniste à travers lequel le spectateur puisse s’identifier amenuisent davantage l’impact du film. Tout comme cette chute incongrue conçue comme un gag final. Sur le marché international, La Baie sanglante est sorti sous un nombre incalculable de titres différents, de A Bay of Blood à Twitch of the Death Nerve en passant par Blood Bath ou même Last House on the Left 2 !
© Gilles Penso
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