THE CELL (2000)

Jennifer Lopez plonge dans le cerveau d’un dangereux tueur psychopathe afin de retrouver sa dernière victime

THE CELL

 

2000 – USA / ALLEMAGNE

 

Réalisé par Tarsem Singh

 

Avec Jennifer Lopez, Vince Vaughn, Vincent D’Onofrio, Jake Weber, Dylan Baker, Marianne Jean-Baptiste, Patrick Bauchau, Gerry Becker, Tara Subkoff

 

THEMA MÉDECINE EN FOLIE I TUEURS

Dans Le Voyage fantastique de Richard Fleischer, des scientifiques se miniaturisaient pour pénétrer à l’intérieur d’un corps dans le coma et tenter de le soigner de l’intérieur. Le concept de The Cell est assez proche, si ce n’est que cette fois-ci « l’aventure intérieure » n’est plus physique mais psychologique. Il s’agit en effet de pénétrer à l’intérieur d’un esprit malade pour s’efforcer de le guérir. La technologie employée diffère donc entre les deux films (la miniaturisation chez l’un, le transfert psychique dans l’autre), mais l’enjeu est finalement assez proche : vu de l’intérieur, le corps (ou l’esprit) humain est un labyrinthe psychédélique qui peut rapidement se muer en monde cauchemardesque jonché de pièges fatals. Et pour couronner le tout, un compte à rebours mortel s’enclenche et crée un irrépressible sentiment d’urgence. Un tel sujet était le terrain de jeu idéal de Tarsem Singh, réalisateur de clips musicaux et de spots publicitaires marqués par une approche esthétique forte, dirigeant ici pour la première fois un long-métrage. Capitalisant en partie sur le succès du Silence des agneaux, le scénario de The Cell est l’œuvre de Mark Protosevich, qui avoue ne pas avoir reconnu son travail dans le film, tant ses écrits furent remaniés à la demande du studio. Signataire plus tard d’œuvres moins innovantes (Poséidon, Je suis une légende, Thor), Protosevich connaîtra d’autres infortunes à Hollywood, notamment la frustration de ne pas voir se concrétiser Jurassic Park 4 et Batman Unleashed pour lesquels il noircit pourtant de nombreuses pages. Pourtant, malgré ses nombreuses réécritures, le scénario de The Cell conserve d’un bout à l’autre une incontestable cohérence, oscillant sans cesse entre le monde réel et celui de l’inconscient.

Au début, il semble difficile de lier les deux intrigues que Tarsem Singh monte en parallèle. D’un côté, nous découvrons Catherine Deane (Jennifer Lopez), une psychologue pour enfants qui emploie une technologie expérimentale lui permettant d’entrer littéralement à l’intérieur de l’esprit de jeunes patients. De l’autre, nous assistons avec effroi aux exactions de Rudolph Stargher (Vincent D’Onofrio), un tueur psychopathe particulièrement tordu qui noie ses victimes féminines dans une cage de verre. La police et le FBI sont sur les dents, mais lorsqu’ils parviennent enfin à mettre la main sur lui, Stargher tombe dans le coma suite à une violente crise de schizophrénie. Or sa dernière victime est cachée quelque part, promise à une mort certaine. Comment la retrouver ? Une seule solution semble envisageable, même si elle s’annonce hasardeuse et dangereuse : transporter le tueur inanimé dans le laboratoire où travaille Catherine et demander à cette dernière d’entrer dans son esprit pour lui soutirer l’information. La psychologue accepte, sans se douter que cette odyssée dans le cerveau du serial killer va la plonger aux confins de l’horreur.

Voyage au centre de l’enfer

Le concept est en soi fascinant et aurait déjà largement suffi à placer The Cell au-dessus de la moyenne des thrillers criminels post-Silence des agneaux. Mais avec l’esthétique folle dont Tarsem Singh dote son film, nous entrons littéralement dans une autre dimension. En se laissant influencer par les œuvres picturales de Bacon, Dali et Giger mais aussi par David Lynch (notamment la série Twin Peaks à laquelle il rend plusieurs hommages) et Francis Coppola (dont le Dracula lui fit si forte impression qu’il embaucha sa costumière Eiko Ishioka), le cinéaste déploie des trésors d’inventivité pour que son premier long-métrage possède une patine ébouriffante. Chaque nouveau voyage dans le cerveau du tueur schizophrène ressemble à l’étape d’un train fantôme dont la destination finale n’est rien d’autre que l’Enfer. Certains liens semblent d’ailleurs se tisser – sans doute inconsciemment – entre The Cell et le méconnu Les Yeux de l’enfer. Tous les moyens sont bons pour désorienter et perturber les spectateurs : ultra-ralentis, images digitales, perspectives forcées, prises de vues vertigineuses, accélérés, décors et costumes surréalistes, maquillages spéciaux gore (conçus par les artistes de l’atelier KNB), musique étrange aux sonorités ethniques (composée par Howard Shore)… Parfois, on croirait assister au mariage contre-nature d’Alejandro Jodorowsky, Stanley Kubrick et Ken Russell. Ce raffinement cosmétique a poussé certains critiques à déplorer la vacuité du film, comme si une forme soignée impliquait un fond vide de sens. Or l’enveloppe de The Cell et son récit tourmenté sont étroitement liés, procurant aux spectateurs une expérience sensorielle et émotionnelle qu’ils ne sont pas près d’oublier.

 

© Gilles Penso

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