Le studio Universal produit le remake parlant d’un de ses grands succès des années 20 en confiant le rôle du Fantôme à Claude Rains
PHANTOM OF THE OPERA
1943 – USA
Réalisé par Arthur Lubin
Avec Claude Rains, Susanna Foster, Edgar Barrier, Nelson Eddy, Leo Carrillo, Jane Farrar, J. Edward Bromberg, Fritz Feld
THEMA SUPER-VILAINS I SAGA UNIVERSAL MONSTERS
Le Fantôme de l’Opéra de 1925 étant l’un des grands succès muets d’Universal, un remake parlant fut envisagé dès 1935. Mais la vente du studio par les frères Laemmle suite à des déboires financiers ajourna sans cesse le projet. Au début des années 40, le réalisateur Henry Koster travaille sur une nouvelle adaptation officielle du roman de Gaston Leroux, dans laquelle le Fantôme serait le père de la chanteuse Christine. Mécontent de cette approche, le producteur George Waggner remplace Koster par Arthur Lubin et se met en quête d’un comédien digne de succéder au grand Lon Chaney. Après un long tour de table (où il est notamment question de Lon Chaney Jr, Boris Karloff et Charles Laughton), le choix se porte sur Claude Rains, qui s’était distingué par sa voix inoubliable dans L’Homme invisible de James Whale. Ainsi, dix ans après son incarnation de l’anti-héros imaginé par H.G. Wells, les studios Universal lui confient à nouveau le rôle-titre d’un monstre pathétique dont le jeu transparaît quasi-essentiellement à travers le dialogue.
Rains incarne donc le violoniste Claudin, qui connaît l’infortune d’être renvoyé de l’Opéra suite à une interprétation imparfaite due à une faiblesse passagère. Fou de colère, il occis sans autre forme de procès un éditeur qui a osé se moquer de son concerto, l’œuvre de toute une vie. Mais au cours du pugilat, il est défiguré par du vitriol (Gaston Leroux, rappelons-le, était l’un des auteurs les plus prestigieux du théâtre Grand-Guignol), et se met à errer comme un animal blessé dans les rues désertes de la ville. Pourchassé par les gendarmes, il se dissimule dans une bouche d’égout et, de là, parvient à rejoindre via un dédale sombre et malodorant les catacombes de l’Opéra. Y bâtissant son antre, il va et vient comme bon lui semble dans le prestigieux bâtiment, grâce à de nombreux passages secrets et à un trousseau de clefs qu’il a volé au directeur. Empruntant un masque blanc et un costume sombre, il fait dès lors régner la terreur à l’Opéra, dont il entend suinter la musique depuis son repaire souterrain. Amoureux de la belle Christine, il se donne pour but de la transformer en vedette, quitte à multiplier les meurtres pour y parvenir.
Plus lyrique qu’horrifique
Excellent dans un registre mi-horrifique mi-pathétique (comme dans Les Enchaînés d’Hitchcock), Rains partage la vedette avec les chanteurs Nelson Eddy et Susanna Foster, qui s’époumonent plus que de raison tout au long du métrage, privilégiant bien souvent le lyrisme à l’épouvante, au sein d’une œuvre conçue pour séduire le public le plus large. Fort de sa longue expérience avec Abbott et Costello, Arthur Lubin injecte une bonne dose d’humour dans le film, notamment à travers les séquences mettant en scène les deux prétendants de Christine, un baryton et un policier qui parlent en même temps et ne cessent de piétiner leurs plates-bandes respectives sans se départir de leur élégance et de leurs bonnes manières. Au cours du climax, le Fantôme se démasque enfin, dévoilant une timide défiguration partielle. Discret à la demande expresse de Rains, ce maquillage s’avère indigne du talentueux Jack Pierce, et souffre sérieusement de la comparaison avec l’inoubliable faciès mortuaire de Lon Chaney. Cette réserve mise à part, ce Fantôme de l’Opéra reste un divertissement de très haute tenue, grâce à ses comédiens savoureux, son technicolor somptueux et ses décors magnifiques, qui réutilisent la réplique grandeur nature de l’Opéra Garnier construite à Universal pour les besoins de la version de 1925.
© Gilles Penso
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